images-180x220Et voilà, la première partie de ma traduction XVIIe (une imitation de) a été envoyée à l’éditrice (réponse fin octobre environ), les questions ad hoc ont été posées à l’auteur (Rose Tremain), et ma relectrice a pointé deux soucis (au moins !), à savoir que les coffehouses au XVIIe étaient des clubs et non des cafés, et que le jeu de billard dont je parlais n’en était pas (encore) un, à savoir qu’à l’époque l’on jouait à ce qui se nomme le croquet de table ! Traduire un roman historique ouvre bien des horizons !

Je vous livre ci-après quelques extraits assez représentatifs du livre, et du style finalement adopté, classiquement classique…

Le parc de Bidnold, le manoir de Merivel :

Cela tombe bien, voilà qu’un sentier se dessine au milieu des nuages et que le soleil darde des rayons cuivrés et dorés sur les hêtres et les chênes de mon parc. J’effectue un tour des jardins, où j’ai récemment planté une allée de charmes taillés dont je suis fort heureux, et j’observe les cerfs qui broutent tout leur content, agitant leur queue dans la jolie lumière sans que les vents de novembre les dérangent. Et je note, comme je l’ai déjà fait cent fois auparavant, la beauté qu’offre ce spectacle.

A la table de Merivel :

A la suggestion de Cattlebury, celle « d’une somptueuse tourte au gibier accompagnée de marmelade », je répondis : « Si vous voulez, Cattlebury, mais laissez-nous naviguer ensuite autour de la tourte avec des huîtres et des anchois, une selle d’agneau nappée d’une sauce au madère puis une longe de bœuf, le tout suivi d’un sabayon au rhum et de pommes au four. Sa Majesté a voyagé longtemps pour être auprès de nous, et il aura une faim de loup. »

 

A Londres, en chemin vers Versailles :

Nous nous retirons dans la chambre à coucher de Rosie, avec de la mousseline accrochée à la fenêtre qui semble être une sorte de léger réceptacle pour toute la musique de la rivière, son bouillonnement, ses cris, ses lamentations et son rire. De cette manière, tout ce que nous nous chuchotons à l’oreille et tout ce que nous faisons est distillé par le monde dont il représente une partie infinitésimale et nous ne faisons plus qu’un avec lui, minuscules mouchetures de chair en mouvement, pourtant toujours en vie, nageant et respirant dans le chaudron du temps. 

A Versailles !

Même le soleil était complice de ce chant de magnificence et de beauté, perçant les nuages gris et baignant les bâtiments d’une douce lumière hivernale, si bien que les toits en ardoise brillaient comme de l’étain et que le verre de milliers de vitres était teinté de l’éclat du diamant, comme les notes aiguës d’une flûte.

 A Versailles encore… :

– Je suis désolé, mais je dois vous laisser, Sir. L’on m’attend ailleurs. Et de fait je suis déjà en retard, la cloche vient de me le signaler. Quant aux logements, vous devrez tenter votre chance dans les étages supérieurs. Il y a beaucoup de monde à Versailles en ce moment, ainsi  que vous pouvez en juger. Le mieux pour vous est d’offrir à quelqu’un de le payer pour qu’il accepte de partager un petit coin avec vous.

– Quoi ?  Que voulez-vous dire par ‘un petit coin ’? »

L’homme haussa ses minces épaules. « C’est ce que vous trouverez de mieux. Ici, même un marquis doit parfois dormir dans un couloir. »

Avec Louise de Flamanville :

Vous pouvez imaginer le ravissement que cet aveu me procura. Cela me permit de parler de ma connaissance intime du laboratoire du Roi Charles à Whitehall et de mon propre intérêt, en tant que médecin, pour les remèdes naturels, allant même jusqu’à mentionner mon défunt ami, John Pearce, et son prophylactique contre la peste à base de racine de bouton d’or, ainsi que l’usage que j’en fis et qui me sauva de la mort en 1666. Et, juste comme je l’espérais, ces révélations de notre intérêt et de notre savoir communs créèrent un lien entre nous, un lien tel que je déclare n’en avoir jamais ressenti de pareil avec une femme auparavant.

Avec, en toile de fond, une froide pluie hivernale qui rendait lugubre la morne campagne autour de nous, nous entretînmes une conversation des plus tonifiantes durant les longs kilomètres qui nous séparaient de Paris, si bien qu’à notre arrivée j’étais conscient que mes joues étaient farouchement surchauffées et que mon cœur battait à tout rompre.

 Dans le laboratoire de Louise… :

Louise sourit et poursuivit : « Tout un temps, j’ai eu du mal avec les proportions des ingrédients, mais maintenant elles sont correctes. Il y a du suif de mouton, de la cire d’abeille, de l’huile essentielle de térébenthine, des feuilles de plantain bouillies pendant une heure à feu doux sur des charbons, jusqu’à l’obtention de la réduction que l’on désire. La cire a fondu très lentement puis la réduction et l’huile ont été ajoutées à feu très bas. La difficulté semblait être d’obtenir un baume suffisamment mou pour pouvoir l’appliquer une fois refroidi. C’est le cas à présent. Plongez donc votre doigt dedans. »

En attendant Louise :

Entre les dernières feuilles de plantain s’envolant et flottant pour finir par se poser sur les allées de graviers et de sombres nuages annonciateurs de pluie, la journée est lugubre. Mais l’idée que, d’ici quelques instants, je verrai peut-être Louise,  fait éclore en mon cœur une petite pépite toute chaude et je pose ma main gantée là où je sais qu’il se trouve, après quoi le froid dans mes doigts est moins vif.

Merviel quitte Louise avant de s’en retourner en Angleterre :

Du côté est du Jardin du Roy, il y a un labyrinthe d’arbres à feuilles persistantes dont les allées boisées montent vers un sommet boisé également où la vue sur la ville est on ne peut plus sereine et agréable.

Main dans la main, Louise et moi grimpons vers ce fabuleux endroit, et lorsque nous avons suffisamment admiré Paris, nous nous tournons l’un vers l’autre et nous prenons dans les bras. Que peut-être je ne tiendrai plus jamais cette femme dans les miens me serre tellement le cœur que des larmes me montent aux yeux et roulent sur mes joues.

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2 commentaires

  1. Oui, j’ai beaucoup travaillé ce rendu des sensations (d’où mon choix de ces passages-là, justement) et ce fut un travail insensé, mais gratifiant in fine quand les lecteurs l’apprécient… 🙂
    Je rends ma traduction fin janvier, mais je crois qu’elle sera publiée bien plus tard (septembre ?).
    Sinon le livre vient de sortir en anglais, si jamais tu veux mesurer l’ampleur du travail accompli et la trahison (obligée) d’un style pseudo XVIIe (sinon en français ça passait très mal)…

  2. on a hâte que tu finisses la traduction et que le livre soit publié pour aller le lire! C’est un travail incroyable de traduire un roman historique, surtout le style de l’auteur! Great!!! J’aime beaucoup le rendu des sens et des émotions, sans doute l’élément essentiel pour transmettre tout ce savoir scientifique.