L’histoire en quelques mots…
Octobre est un livre de Zoë Wicomb qui nous parle du vieillissement, de la maternité, de l’alcoolisme, de la solitude et de l’apartheid. Parce qu’il se déroule en Afrique du Sud et que son auteure est métis.
Voici ce qu’en dit son éditeur français, Le Mercure de France, en quatrième de couverture :
Mercia Murray est une femme de cinquante-deux ans qui vient d’être quittée. Nous le savons, elle aussi, d’ailleurs, cette situation pour le moins banale équivaut à une forme de mort… Son cœur est en mille morceaux, elle verse un nombre incalculable de larmes et se repasse chaque geste, chaque mot prononcé sur le moment en quête d’une ambiguïté possible. Cela ne révèle aucun indice qui aurait pu lui échapper… L’homme qui a parlé et agi n’était pas le Craig qu’elle connaissait, c’est un inconnu. Ce qui devrait signifier que son chagrin a quelque chose d’irréel, sauf que cela n'empêche pas les larmes de couler et son cœur d’exploser.
Effondrée, Mercia s’interroge. Professeur de littérature à l’université de Glasgow, elle vient de loin, d’Afrique du Sud. Métisse, née sous le régime de l’apartheid, elle a eu un parcours exemplaire, fait de brillantes études, obtenu un poste prestigieux. Est-ce à cause de ses origines, de sa couleur de peau, que Craig est parti ? Lui qui, elle l’apprend vite, va avoir un enfant d’une jolie Écossaise blonde.
Alors, où est sa place ? Sa vraie place ? On est en octobre, l’automne en Écosse, le printemps « au pays » – mais est-ce encore tout à fait le sien ? Recevant une lettre de son frère qui ressemble à un appel au secours, elle décide de repartir au moins pour une longue visite, de renouer avec ses racines. De trouver où elle peut se dire vraiment « chez elle ».
Mercia ira d’espoirs en déconvenues, de découvertes en interrogations, un peu à l’image de cette Afrique du Sud qui se cherche encore, entre progrès, certes, mais aussi flambées de violence.
Encore peu traduite en français, Zoë Wicomb est l’une des plus grandes voix d’Afrique du Sud aujourd’hui. October est son premier livre depuis dix ans. Toni Morrison, qui admire de longue date son oeuvre, a salué ce roman comme son chef-d’oeuvre.
Difficultés et beauté d’un livre pas comme les autres
Ce grand roman a croisé ma route un peu par hasard il y a quelques mois de cela et j’en suis ravie, même s’il ne s’est pas traduit dans des conditions optimales pour cause de manque de temps. A ce manque de temps s’est ajoutée la difficulté qu’il y a à traduire la langue d’un pays où l’on n’a jamais été et où les mots n’ont pas le même sens qu’en anglais classique : les robots y sont non pas des… robots, mais des feux de signalisation ; old fashioned ne veut pas dire vieux jeu mais mûr, colored ne veut pas dire Noir mais métis ; et shame n’a rien à voir avec la honte mais veut dire super ! Ces menus détails écartés, restaient à traduire de nombreux mots en afrikaans, langue fréquemment utilisée par les auteurs sud-africains, paraît-il. Je dois dire que, dans ces deux domaines, l’aide linguistique de Zoë Wicomb a été continue et salvatrice.
Ce qui m’a permis de dégager ces problèmes – la traduction est toujours la résolution d’une multitude d’écueils, linguistiques comme culturels – et de savourer le style souvent poétique et métaphorique de son auteur, qui n’a pas été des plus faciles à rendre non plus tant les images étaient complexes et ouvragées. Les splendides descriptions du bush en donnent un bon exemple.
Les thèmes qui courent tout du long et dont j’ai dressé la liste au début de cette newsletter, sont nourris de ce style ample et coloré, et si de fréquents allers-retours Europe/Afrique du Sud peuvent nous perturber de temps à autre, l’on n’en est pas moins emporté dans un tourbillon de sensations, d’impressions, de descriptions, de souvenirs et de pensées qui dessinent tour à tour des existences, quatre, difficiles et douloureusement solitaires.
Ma traduction presque préférée
J’avais adoré traduire Ne m’oubliez pas de l’Anglaise Trezza Azzopardi que je vous avais présentée sur ce site comme étant ma traduction phare, d’une poésie et d’une délicatesse rares, sur la pauvreté et la détresse humaine. Octobre se glisse juste après et je ne saurais trop vous en recommander la lecture. Non parce que j’en ai effectué la traduction, c’est tout à fait accessoire, mais parce qu’il s’agit là d’un roman beau, fort, triste et poignant, d’un roman essentiel, oserai-je dire. Qui nous offre des portraits humains autant que celui d’un pays, que j’ai découvert avec grand intérêt au fil des pages. Des portraits de personnages attachants en proie à toutes leurs faiblesses. C’est aussi un magnifique livre sur le déracinement, l’exil, et sur ce thème pivot de l’appartenance.