Génèse d’une rencontre
Non, ce n’est pas une panne d’inspiration de ma part, simplement le désir de partager avec vous tous un article vaguement consensuel écrit « autrefois » – il y a 12 ans très exactement – pour le magazine Ecrire aujourd’hui.
Autant le dire tout net, je n’ai aucune affection, ni admiration, particulière pour Amélie Nothomb, à qui je reconnais un certain savoir-faire narratif, mais que je ne classerai jamais comme écrivain, tant il ne suffit pas d’aligner les citations latines et les mots savants pour en être un. D’ailleurs, je me refuserai tout du long à consigner ce terme ou celui de littérature…
Néanmoins, je lui reconnais un talent pour l’écriture de divertissement, comme tant d’autres en tête du box office « livres » (qui lui non plus n’a plus grand chose de littéraire).
« Il y a souvent des récits et très peu souvent de l’écriture, » disait très justement cette chère Duras. Pour plus de détails à ce sujet (qui me tient à coeur), je vous invite à consulter sans plus attendre mon autre newsletter à ce sujet….
Ce qui m’intéressait à l’époque, c’était de savoir comment Amélie Nothomb avait percé, et elle le dévoile ici – ainsi qu’elle a dû le dévoiler ailleurs, je ne prétends à aucune magistrale révélation. Est-il utile de préciser que son cas est exceptionnel ?
L’interview s’est déroulée au téléphone – j’avais réussi à la contacter par une amie qui connaissait quelqu’un qui – et je me dois de souligner qu’Amélie a été tout bonnement délicieuse, et drôle, ainsi qu’elle sait l’être, y compris dans ses romans, auxquels je sais reconnaître cette qualité-là aussi…
Hypothèse d’un article (ou introduction)
Auteur taxé de sulfureux dès ses vingt-cinq ans pour un Hygiène de l’assassin qui lui vaudra le Prix du premier roman, Amélie Nothomb nous a offert depuis avec une belle régularité moult autres romans au style résolument vitriolique, qu’il s’agisse d’amours enfantines, retraitées ou fatales, d’éruptions monstrueuses, livresques ou très simplement volcaniques.
Personnage médiatique et caustique dont le portrait n’est plus à faire, l’interroger fut plaisir voluptueux de pétillance car c’est avec grâce, légèreté, verve et simplicité qu’elle a très gentiment répondu aux questions posées.
Synthèse d’une interview (tel qu’il a été condensé à l’époque)
A ma question sur l’historique de son premier roman, Amélie Nothomb s’est fait un plaisir de répondre ainsi qu’elle l’avait fait aux journalistes qui l’ont interrogée à la sortie du livre : qu’étant une grande écrivaine inconnue dotée d’une ambition à la hauteur de son anonymat de l’époque, il lui avait semblé tout naturel d’envoyer ce premier manuscrit par la Poste chez Gallimard, grand éditeur devant l’éternel s’il en est.
Mieux, ayant remarqué le nom de Philippe Sollers dans les pages du Monde, elle se serait dit que puisqu’il officiait là c’est qu’il devait, lui aussi, être un auteur d’importance – on ne dira jamais assez combien est crucial le repérage préparatoire pouvant dispenser de lire les livres qui ont eu la curieuse idée de précéder le vôtre… nda – et qu’il s’imposait donc qu’elle lui fit directement et sans plus tarder parvenir sa prose.
Par les bons soins de cette chère Poste messagère de tant d’espoirs littéraires, elle reçut un mot on ne peut plus direct lui aussi, émanant du même monsieur absolument pas impressionné par la grâce qu’elle lui avait pourtant faite avec le soin que l’on vient de souligner. Ce billet l’informait en quelques mots secs que Sollers n’appréciait absolument pas les canulars et qu’il avait fait interdire lecture du manuscrit en comité du même nom !
De forts soupçons ont effectivement entouré la sortie de ce premier roman, que l’on a quelque temps accusé d’avoir été écrit par un écrivain reconnu caché derrière une plume féminine. Mieux, il n’est pas impensable que Sollers, aux dires d’Amélie, ait eu l’humilité de se reconnaître dans le profil du personnage principal Prix Nobel de littérature et qu’il ait, avec toute la bonne foi due à son rang, cru à une moquerie le concernant.
Le mystère risque de continuer à planer longtemps puisque, interrogé par la suite pour savoir s’il ne regrettait pas d’avoir ainsi laissé filer chez la concurrence – en l’occurrence Albin Michel, le deuxième et dernier éditeur contacté par Amélie Nothomb – un tel succès de librairie, Sollers aurait nié avoir jamais reçu le manuscrit en question…
A ma question concernant la maturation du sujet du roman sus nommé, la réponse d’Amélie sera tout aussi surprenante. Les arcanes de l’inspiration littéraire étant ce qu’elles sont, et parfois joueuses aussi, voici que dans le cas présent ce n’est pas le sujet qui lui est venu en premier à l’esprit mais le titre. Et quel titre (voir supra) !
A partir de quoi, quand on est un brave petit soldat comme Amélie sait l’être – il suffit d’ailleurs de lire son truculent dernier roman Stupeur et tremblements, toujours chez Albin Michel, pour en avoir confirmation – on ne baisse pas si facilement les bras. Et l’on s’arrange pour rédiger un livre, premier du nom, à la hauteur de cette assassine et hygiénique révélation !
Quand à la suite vous la connaissez, puisqu’Amélie Nothomb vole depuis de succès en succès. Selon elle il paraîtrait néanmoins qu’on l’attendait au tournant – c’est souvent le cas – et que quelques critiques ne se sont pas privés de dénigrer son deuxième roman répondant à la douce appellation de Le Sabotage amoureux (toujours chez Albin Michel). Le public ne semble pas en avoir fait grand cas puisque les ventes de ce deuxième roman ont été supérieures à celles du premier, ce qui n’est pas peu dire !
Et en visionnaire conclusion…
Son tout dernier (voir supra) ayant caracolé de longs mois en tête des meilleures ventes, il ne semblerait pas qu’il y ait lieu de s’inquiéter pour l’avenir d’Amélie Nothomb, ni qu’elle ait eu beaucoup à regretter le refus de Gallimard, qui aura été le seul et unique qu’elle ait jamais eu à essuyer !
Puissent les vents romanesques, que l’on sait être parfois contraires, vous porter avec la même clémence vers une semblable célébrité, vécue avec autant d’humour et de simplicité !
Merci ! Et le Café est sur le bureau de mon ordinateur depuis x semaines, mais ayant mené de front ces mêmes semaines la traduction que tu sais+mon futur e-book+mon livre sur la Shoah, j’avoue platement ne pas avoir eu le temps de le lire, désolée.
C’est noté dans mon agenda pour début février, d’autant plus que sa lecture doit alimenter mon article sur numérique & auto édition…
je n’ai jamais rien lu de Nothomb mais je me suis bien amusée en lisant ton article!
Au fait as-tu eu le temps de lire mon manuscrit Le Café?
Disons que j’ai le mérite de dire ce que je pense (parfois à mes risques zet périls), et suffisamment de coeur pour ne pas assassiner quelqu’un qui aurait l’heur de ne pas me plaire… Qui suis-je pour juger (même si j’ai parfois un avis bien arrêté) ?
Mais c’est justement pour tempérer cet avis bien arrêté que je module, sans flagornerie, parce qu’il y a toujours quelque de bien à dire sur quelqu’un ; et là je vois que tu me rejoins, AN est délicieuse, vraiment ! 🙂
Ce que j’adore chez toi Edith, c’est ta merveilleuse habileté à critiquer et à encenser en même temps. Il est vrai qu’il n’y a pas tout à aimer chez quelqu’un, auteur ou non, écrivain ou non. Et qu’il est très naturel d’avoir des sentiments partagé surtout à l’égard d’une personne publique.
J’ai moi-même rencontré Amélie Nothomb et je dois avouer que je préfère de loin la personne à l’oeuvre.
Ton article est vraiment très réussi: très gai à lire, très joliment écrit et, si elle tombe dessus, l’éternelle demoiselle au chapeau pourra s’en féliciter 😉
Beaucoup de gens célèbrent ou qui volent dans les hautes sphères ne sont là que par un habile jeu social d’esbroufe qu’ils savent jouer à merveille 😉
Après, concernant les « écrivains qui racontent »et « ceux qui écrivent » il y a un point sur lequel je ne suis pas forcément d’accord et c’est le suivant : le public, la plupart des gens aiment la simplicité dans la forme (qui permet du coup parfois de laisser plus de place et de clarté au fond ) alors peut-on vraiment dire que les écrivains au style simple n’en sont pas ? Je trouve ça un peu catégorique …
Le débat est ouvert! (et quel débat!)
Tu as raison, les gens préfèrent ce qui est simple à lire (Nothomb, Musso, Lévy etc.) et les livres à la littérature ; ce qui me pousse à répéter qu’il y a les écrivants (auteurs), et les écrivains, et qu’ils ne sont pas de la même famille, c’est tout. Après, chacun préfère ce qui lui convient, mais un écrivain c’est quelqu’un avec un style unique et un univers particulier. Je veux bien accorder à Nothomb un univers (très fabriqué), mais certainement pas un style simplement parce qu’elle abuse du subjonctif et des citations latines ! Ce n’est pas ça, écrire, au sens où Duras en parle, qui est un écrivain en bonne et due forme, elle, mais qu’effectivement beaucoup de gens peinent à lire…
Ah d’accord, dis comme ça je comprends mieux 🙂