C’est la rentrée !

Je vous avais promis un dépiautage de Lire et du Magazine littéraire « rentrée littéraire » – mes excuses aux autres publications, que je n’ai tout bonnement pas le temps de lire – le voici ! La prochaine newsletter (dernière de la rentrée) se penchera sur les deux OVNIS littéraires du moment (c’est si rare), mais pour l’instant je vais rester dans le droit chemin, aussi peu intéressant soit-il, simplement parce qu’il représente un marqueur de tendances et que c’est toujours utile de les connaître.

Je précise à l’intention de mes chers lecteurs que si j’entreprends ce laborieux travail de déchiffrage de la rentrée littéraire, ce n’est pas pour répéter ce qui se dit très bien ailleurs – ce n’est pas le but de cette newsletter non plus -, mais c’est, d’une part pour tenter de mettre en avant, en toute subjectivité, ce qui me semble le plus digne d’intérêt et, d’autre part, pour permettre une (utile) réflexion sur ce qui se publie et se dit actuellement autour de la littérature – ou plutôt, des livres car, de nouveau, il y a fort peu de littérature en jeu. Ce survol partiel (et partial !) de « l’air du temps » en fera, si c’était encore nécessaire, une nouvelle fois la preuve.

Deux recueils de poésie ont été recensés par Le Magazine Littéraire tout de même, voilà qui valait la peine d’être souligné ! Pour le reste, écrivez des histoires sans grand style, encore et toujours – je m’en réfère aux extraits publiés, preuve parlante, décevants pour la plupart – et peut-être que vous verrez vos chances décoller, peut-être ; évidemment, l’alchimie qui fait qu’un livre sera publié, ou pas, que l’on en parlera, ou pas, est un brin plus subtile que cela, je m’en voudrais de schématiser.

Que lire selon LIRE ?

C’est à un « spécial romans français » que nous convie ce mensuel généraliste de bonne tenue (5,90 dans les kiosques), et autant dire qu’il y en a, avec en prime un long article sur Amin Maalouf, un autre sur cette chère Nothomb (…), et une interview (fort intéressante, plus que son livre sans doute) d’Olivier Adam. J’avoue que le sort de ce dernier ayant été scellé dans Les Inrocks, et moi-même étant déjà mitigée à son sujet, je n’achèterai finalement pas Les Lisières.

A dire vrai je crois que je n’achèterai aucun des livres de la rentrée hormis les quatre déjà achetés (c’est une question de budget, mais pas seulement) : Christine Angot pour Une semaine de vacances (décevant, voir ici), Pauline Klein pour Fermer l’œil de la nuit (recension à venir), Colombe Schneck pour La Réparation (idem) et C Wolf pour Ville des anges, livres achetés par seul intérêt historique pour les deux derniers (Shoah/Stasi), intérêt médiatique pour le premier, et curiosité bien placée pour le Klein !

Ma lecture de Lire, scrupuleuse au début, m’a vite ennuyée, donc j’ai pris ensuite l’option express : si le premier paragraphe ne me captivait pas, je passais à la recension suivante ! Constat du jour, qui ne vous apprendra pas grand chose de neuf je le crains : la production « livresque » du moment (je peine à la qualifier de littéraire) est exactement à l’image de la production cinématographique : des livres, des livres, encore des livres, dont l’intérêt est régulièrement/artificiellement gonflé, pour une découverte personnelle généralement décevante ensuite.

Dans Lire, facilité de lecture, il y a la section Incontournables et la section Contournables. Le problème c’est que, à mes yeux, tout pouvait aisément relever de la seconde section…

Dans la première l’on nous reparle forcément du Bellanger (La Théorie de l’information), que l’on vient de me prêter (mais que je doute lire) en me prévenant qu’il s’agissait davantage d’un essai sociologique… Florian Zeller est de nouveau là pour La Jouissance mais, de nouveau, vu le commentaire des Inrocks, ce sera non pour moi. Le Pascal Quignard doit être intéressant, par contre (Les Désarçonnés), mais faut-il forcément que je vous nomme les autres ?

Je retiendrai tout au plus Lame de fond (Linda Lé), La Première défaite (Santiago H Amigorena, déjà évoqué), Anima (Wadji Mouawad) et L’Hiver des hommes (Lionel Duroy), mais sans passion aucune, et aurai le regret de ne rien noter d’exceptionnel dans les premiers romans ; pour Angot, leur commentaire rejoindra le mien, en plus concis et avec cette pirouette de fin d’un goût douteux : « pas d’inceste, pas de chocolat »… Quant aux contournables, et bien je me propose de les… contourner, tout simplement. Très franchement, je ne sais même pas si cela présentera un intérêt quelconque de dépiauter pour vous le prochain Lire consacré à la littérature étrangère de la rentrée, c’est dire ma lassitude face à cette uniforme déferlante !

Ah, le mieux de la fin tout de même : deux extraits intéressants – c’est encore le meilleur moyen de juger « sur pièces » – pour Certaines n’avaient jamais vu la mer (Julie Otsuka), The Buddha in the Attic pour ceux qui préfèrent les V.O., sur ces Japonaises envoyées aux Etats-Unis début XXe afin d’y épouser un homme auquel elles serviront d’esclave, et l’excellent écrivain irlandais Sebastian Barry pour Du Côté de Canaan (On Canaan’s Side). J’en profite pour vous recommander son excellent, et infiniment émouvant, Tribulations d’Eneas McNulty les yeux fermés (quand j’aime, je recommande, c’est aussi simple que ça ;-))

Qu’en dit Le Magazine littéraire ?

Le Magazine littéraire nous raconte hélas la même chose que Lire – peut-être aurais-je dû acheter le Télérama ou Le Nouvel Obs « spécial rentrée » – Bellanger (buzz de la rentrée semblerait-il, à vous de juger sur pièces), Maalouf, Deville, Dantec, Linda Lé, avec Toni Morrison pour Home en prime. Je noterai juste que Lionel Duroy (L’Hiver des hommes) semble avoir attiré mon attention une seconde fois (c’est bon signe !). Surtout, surtout, je noterai que Le Magazine littéraire consacre toute une page à la poésie (c’est si rare), et je noterai avec intérêt les noms de James Sacré pour Affaires d’écriture, et de Claude Michel Cluny pour son Oeuvre poétique I, dont je vous livre ici un court extrait, histoire de se dire que la littérature existe encore :

Mesures

 Les grandes passions aux bandeaux d’or

s’avancent sur la mer 

et se répondent à l’infini.

De nous, le ressac n’aura laissé

qu’un peu de sel

à la bouche coupante des coraux.

Voilà, voilà, c’était mon modeste tour d’horizon de la rentrée 2012, pour le moins expurgé, et dont j’espère qu’il vous aura été utile ?

J’en profite pour vous signaler que notre petite maison d’édition, Eléments de langage, vient de signer son premier auteur, et son premier contrat, ce pour un livre résolument… différent !  (more soon !). Rappelons-le, nous serons de ces rares éditeurs qui publient non des livres (eh non) mais de la littérature (si, si) !

Et en attendant d’être publiés (chez nous ou surtout ailleurs, car notre production sera fort limitée), mes chers lecteurs, lisez, lisez, lisez, soyez critiques, fleurez l’air du temps (d’où cet article), ou tentez le contre courant, n’hésitez pas à vous inspirer de vos maîtres, mais toujours en vous en démarquant, ce n’est qu’à ce prix-là que vous progresserez, y compris vers la publication un jour, qui sait…

Au plaisir, et n’oubliez pas les commentaires un peu plus bas pour vos recommandations de lecture !  🙂

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4 Commentaires

  1. Rien ne vaut l’approche directe en effet, chère Hélène ! Moi j’avoue que, les années précédentes, j’étais toute excitée à la sortie des magazines « spécial rentrée », cette année j’ai compris enfin que ce n’était peut-être pas comme cela que s’effectuaient les belles découvertes… 😉

  2. je partage ton avis sur cette ennuyeuse uniformité. Il est d’ailleurs fort rare que je lise un magazine littraire avant d’aller acheter un roman en librairie. Je fais moi-même le travail de recherche sur un roman au préalable et aussi (très souvent, je l’avoue), mon choix se base sur la lecture de la quatrième de couverture et de la première page. Dans ce cas, je ne me suis rarement trompée.
    Hélène Billiet a publié récemment:..Communiquer en anglais pour devenir pilote de ligneMy Profile

  3. Merci Edith pour ce dépieutage, lorsque je le lis, je me sens moins seule face à cette déferlante, et je me vois confortée dans cette idée que la littérature aujourd’hui se promène sur des chemins de traverse. Suis en ce moment plongée dans la littérature féminine japonaise que je sais que tu as aussi lue et appréciée. Je pense à Koike Mariko, Yoko Ogawa et à Hiromi Kawakami (dont tu as déjà fait l’éloge). J’attends avec impatience tes prochaines critiques. Caroline Coppé