Portrait Nicolas bibliothèque

Nicolas, on te connaît comme auteur de Paroles dégelées et de Le Jour où j’ai réussi ma vie, et aussi en tant qu’éditeur d’éléments de langage, une maison d’édition belge amoureuse des beaux textes et de la vraie littérature, comme ce texte que tu nous offres ici, L’Oreille absolue, roman que je serai ravie de découvrir plus en détails maintenant.

Peux-tu nous en donner le pitch, le résumer en deux lignes s’il te plaît ?

L’Oreille absolue raconte l’histoire d’un petit garçon de dix ans qui décide de rédiger ses mémoires pour dresser le bilan de sa vie.

 D’où t’est venue l’idée ?

L’idée m’est venue en discutant avec des collègues auteurs lors d’un salon littéraire. Nous commentions les meilleures ventes de « livres » et avions été surpris de constater que celle qui pulvérisait tous les records, à l’époque, n’était autre qu’une influenceuse spécialisée dans les tutoriels de maquillage. Elle avait vingt ans et venait de publier ses « mémoires ». J’ai dit à mes camarades : « hé bien, moi, je vais faire encore plus fort : je vais inventer un personnage qui écrira ses mémoires à l’âge canonique de dix ans ! ». Le pire est que je m’y suis tenu !

Quelles sont les thématiques que tu as voulu creuser dans ce travail-ci ?

D’abord, ce livre veut être un roman comique. Il n’est pas du tout réaliste : aucun enfant n’écrit comme Louis, mon personnage principal ! Et ce n’est pas un roman « jeunesse ». J’ai essayé de traiter avec humour des sujets assez sérieux comme ceux de la fin de l’enfance, de la façon bien trop « genrée » dont on élève nos enfants, de la « socialisation » forcée que l’on nous inflige à l’école. J’ai aussi voulu montrer comment un enfant pouvait voir le monde des adultes dans lequel il évolue malgré lui.

Comment façonnes-tu ton personnage principal en général, et dans ce livre-ci en particulier ?

Le personnage de Louis est très étrange. Il est à la fois insupportable et, j’ose l’espérer, attachant. C’est un petit génie intransigeant et mutique, qui ne s’exprime que par l’intermédiaire de son téléphone portable et de son ardoise magique. Il ne parle pas, mais il écrit beaucoup. Je suis parti des souvenirs de ma propre enfance et du sentiment de décalage que je ressentais à l’époque. J’ai juste poussé ce sentiment jusqu’à l’extrême en développant le personnage de Louis. Je l’ai conçu comme la réincarnation d’un mémorialiste du Grand Siècle qui serait tombé dans la cour d’une école primaire d’aujourd’hui. C’est un mélange détonnant.

Écris-tu différemment depuis que tu es rentré en France ?

Non. J’écris toujours à la main, dans mes grands cahiers bleus…

Où trouves-tu ton inspiration ?

Partout ! Tu le sais bien : on est toujours en alerte quand on écrit. On note tout : un regard croisé dans les transports en commun, une mimique, une démarche, une réplique saisie sur le vif dans une conversation volée, une phrase dans un livre…

Quel est pour toi le but d’un livre ? Distraire ? Instruire ? Édifier ? ou tout à fait autre chose ?

Distraire. Avec L’Oreille absolue, j’ai voulu faire rire et, si possible, un peu réfléchir. Mon objectif ce n’est pas que ma lectrice tourne les pages le plus vite possible pour savoir comme ça finit, mais, qu’au détour d’une phrase, elle lève les yeux au ciel en se disant : « Ah, ouais, quand même ! »

Es-tu de ces auteurs qui parcourent le monde, ou leur ville, carnet en main ? Ou bien tu glanes ici et là, puis tu laisses décanter jusqu’à « la » révélation émerge ?

Oui : j’ai toujours mon carnet avec moi ! Sans lui, je suis nu ! Je prends des notes, tout le temps ! Je suis polygraphe !

Écrire serait ta raison de vivre, ou pas ?

Pour savoir écrire, il faut savoir lire, et pour savoir lire, il faut savoir vivre. J’essaie de faire les trois de mon mieux.

D’où te vient l’idée du titre ?

L’idée du titre vient de la musique. Avoir l’oreille absolue signifie avoir la capacité de reconnaître les notes sans hauteur de référence. Ici, il s’agit de l’aptitude à reconnaître le mensonge à l’oreille. Louis, le personnage principal de ce roman, dispose de cette « qualité ». En est-ce une ?

Je sais que tu es par ailleurs l’auteur d’une série de vidéos de textes animés « Désamour fou », peux-tu nous en dire plus ?

Oui : j’ai élaboré un projet d’animation textuelles en 12 volets. C’est comme des dessins animés, sauf qu’il n’y a pas de dessins, mais des textes. Ce projet de (dé)compose en 12 fragments d’un discours désamoureux et décortique non sans humour le nanodrame existentiel le plus commun qui soit : le chagrin d’amour. Ce sont mes textes et ma graphie sur l’écran, mis en voix par Stéphane Bault et en musique par Emil Sana. Je suis très fier de ce projet. Il sera d’ailleurs exposé au Centre culturel Baschet de Saint-Michel-sur-Orge du 28 janvier au 15 février 2025.

On peut aussi l’écouter (avec un bon casque !) et le voir en ligne sur le site du collectif d’artistes Public Averti.

Le titre de cette interview t’inspire une réponse ?

D’une certaine façon oui : c’est une histoire de tonalité. Ce que j’ai vraiment essayé de tenir dans le roman L’Oreille absolue, c’est le ton, qui, ma foi, me paraît assez unique. Mon narrateur a une façon très insolite de voir le monde et la tonalité du texte se veut être très sérieusement loufoque.

Je crois que tu as dans tes cartons un nouveau projet de roman. Tu peux nous en raconter plus ?

Je travaille actuellement sur un roman dont le titre sera Madame Désir. Ce sera l’histoire d’une éclosion.

Nicolas, merci d’avoir pris le temps de nous répondre et de nous donner envie de découvrir ton Oreille absolue publiée aux éditions Edern, en Belgique (mais disponible en numérique, sur toutes les plateformes et dans toutes les librairies - 246 pages, 22 euros).

Publications similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *