L’avantage des petites foires du livre, c’est que l’on y découvre avec plaisir de petits éditeurs parfois très pointus. Car petits par la taille, mais certainement pas par les talents qu’ils publient et qui changent très agréablement des best-sellers et autres têtes de gondoles que l’on trouve chez les plus grands éditeurs davantage amateurs (pas tous bienheureusement) de commercial et de grand public !
En ce sens, la foire de Mon’s livre, avant tout consacrée à la BD et à la fantasy, ne dérogeait pas à la règle et m’a offert des découvertes de qualité.
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Premier tour de piste chez Quadrature, dont j’avais déjà interviewé un auteur (Dominique Costermans pour son délicieux Petites coupures et bien d’autres productions) et dont je connaissais les biens belles couvertures ainsi que quelques titres accrocheurs qui m’amusaient (Les blondes à forte poitrine ou Les hommes à lunettes n’aiment pas se battre…). Leur mot d’ordre, que l’on découvre en quatrième, est courageux en ces temps éditorialement difficiles, encore plus pour les recueils de nouvelles (qu’Albin Michel a cessé de publier, par exemple, trop peu rentable certainement) : « L’objectif des éditions Quadrature est à la fois modeste et ambitieux : se dédier complètement à la nouvelle de langue française. »
J’ai donc découvert chez eux Petites méchancetés sans importance (Marc Menu), un mini recueil délicieux parce que cruel (parfois) et cruel parce que délicieux (parfois), fait de mini nouvelles (quelques paragraphes tout au plus) qui en disent pourtant long… Personnages attachants pour des situations qui le sont tout autant, ou alors cocasses, ou bien inattendues. En quelques traits un paysage, un homme, une femme, un enfant, un animal sont campés et un nouvel univers s’offre à nous.
Un de leurs tous derniers opus, Je regarde passer les chauves (Sandrine Senes), est dans une même veine de micro portraits, cette fois axés autour de tous ces inconnus que l’on croise dans le métro, vus par le prisme déformant d’une attachante névrosée qui aime bien les chauves mais se laisse séduire, ou emporter, par toutes sortes de personnages dont elle observe les tics, lis les imaginations ou encore crois deviner les intentions, au risque de se tromper, souvent, ou de se perdre dans un imaginaire débridé, le sien. Vous ne prendrez plus le métro de la même manière après l’avoir lu, ça je peux vous l’assurer !
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Mon deuxième tout de piste m’a emmenée aux Carnets du dessert de lune, une maison à l’intitulé pour le moins onirique que je connais et apprécie depuis longtemps (elle a distribué mon premier roman sorti en 2002) et dont j’ai toujours adoré les couvertures superbement illustrées, et leur contenu bien sûr ! J’y avais aimé Please plant this book (Brautigan), mais aussi deux délicieux ouvrages de Christiane Levêque (Ostende & Mokafé). Du coup, quand j’ai demandé au charmant Jean-Louis Massot de me recommander un livre, il m’a orientée vers Les mouettes d’Ostende, un court récit de Patrick Devaux mettant en scène avec délicatesse une femme, des mouettes, et une ville au bord de l’eau…
Curieuse ensuite d’un auteur que je croise de salon en salon, j’ai fait l’acquisition de Dès l’instant (Pascal Blondiau) et j’ai beaucoup aimé ses proses poétiques douées d’un infini sens de l’observation de toutes ces « choses de la vie », d’un infini ressenti et d’une belle délicatesse pour un voyage en poésie tantôt absurde, tantôt poétique, mais toujours apte à éveiller en nous d’autres images, et d’autres sensations… Superbes illustrations, comme tous les autres ouvrages, d’ailleurs.
En guise de digestif, j’avais aussi emporté Démolition (Jean-Christophe Belleveaux), un ouvrage coup de poing qui m’a emmenée loin, très loin, dans un univers poétique aussi fort qu’original qui m’a infiniment séduite, mais qu’il me faudra relire pour mieux vous en parler.
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Un troisième tour de piste m’a emmenée
chez Eléments de langage (Nicolas Chieusse) que je connais bien puisque j’y suis publiée, et si je pourrais vous recommander absolument toute leur production, j’aimerais vous présenter aujourd’hui leur petit dernier, Les revers de la nuit (Pierre Dancot), véritable BPAC (Bijou Poétique Artistiquement Ciselé), avec de superbes illustrations là aussi, qui saura parler aux amoureux de la langue française comme aux amoureux tout court. Une ode, un chant, un élan, une mélodie, une célébration du grand tout comme du petit rien, à venir découvrir de plus près le 10 décembre 2016 dans les locaux d’EDL.
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Un dernier tour de piste m’a emmenée à La Renverse, courageusement venu de Normandie, où j’ai eu le grand plaisir de découvrir l’un de ses trois éditeurs (Franck Achards, photo plus loin) et d’admirer leur production littéraire (je ne parle pas de livres mais bien de littérature, un fait suffisamment rare pour être souligné) d’une qualité qui force l’admiration (surtout par les temps qui courent).
Qu’il s’agisse des couvertures dorées au graphisme élégant ou de contenus qui le sont tout autant, j’ai eu le grand plaisir d’y redécouvrir l’ami (belge) Daniel De Bruycker pour un superbe recueil de poésies (j’y reviendrai prochainement), Prisme, doublées de troublantes photos, pour leur collection « Deux choses Lune » qui « propose la rencontre unique de deux auteurs par le seul vecteur de la création. Les échanges de textes et d’images leur permettent de se découvrir, de s’imaginer, de se dévoiler. De ce dialogue naît un objet artistique hybride, dans lequel deux univers s’éclairent l’un l’autre, en confiance, en humanité, en sensibilité. » Quelle plus belle profession de foi ?
Même enthousiasme (de ma part, mais de bien des lecteurs aussi, je n’en doute pas) pour Où va le temps (je me suis perdu) de Fred Ziegler, dans cette même collection et mouvance, qui m’a charmée au-delà de toute espérance avec ses haïkus délicatement illustrés à découvrir « à partir de l’enfance », dans un souci de rendre la poésie accessible à tous, adultes comme enfants.
A lire encore dans la collection « Deux choses Lune » Des îles au creux du ventre (Benoît Lemennais) ; ou si vous préférez un texte « nu », penchez-vous alors sur En attendant les murs (Louis Raoul). Une interview plus détaillée de cette belle maison vous en dira plus bien vite, qu’il s’agisses des ouvrages nommés ici, ou d’autres venus ou à venir (en préparation, des romans et des romans noirs)…
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Voilà, amis lecteurs, un petit tour d’horizon qui vous aura sûrement changés de ce que l’on trouve dans les recensions plus consensuelles et qui, je l’espère sincèrement, vous aura donné envie, si vous ne les connaissiez pas encore, de vous plonger dans les ouvrages de ces courageuses maisons, petites par la taille, certes, mais grandes par leur ambition, celle de publier des livres de qualité, hors des sentiers battus.
Pour que la littérature continue encore d’exister, souvenez-vous que c’est en achetant leurs livres et en parlant d’eux autour de vous que vous ferez en sorte qu’elles continuent d’exister, non sans mal face aux vicissitudes de ce marché qui ne leur accorde certainement pas toute la visibilité qu’elles méritent.
Merci beaucoup Edith pour ce beau regard, cette attention. Ah si tous les auteurs avaient la même curiosité que vous.
Très cordialement et à une prochaine rencontre.
Ravie d’avoir pu vous être agréable, mon cher Jean-Louis ! Puisse ce modeste article vous apporter de nouveaux lecteurs…