En résidence d’écriture à l’Academia Belgica à Rome il y a plusieurs années de cela, j’ai éprouvé un véritable coup de coeur pour un livre déniché à la bibliothèque (d’ouvrages belges), Le Grand Menu, de Corinne Hoex.
Une écriture au scalpel (un peu style Jelinek, mais en moins corrosif) incisive, sobre – sujet, verbe, complément, peu d’adjectifs – et pourtant infiniment percutante, efficace et poétique, pour la retranscription médusante d’un milieu familial délétère et asphyxiant.
Mon plaisir s’est vu renouvelé lorsque j’ai lu Ma robe n’est pas froissée, “récit d’une dévastation, d’une manipulation d’un père, d’une mère et d’un fiancé qui enferment la narratrice dans un piège de violence”, et enfin Décidément je t’assassine sur la maladie et le deuil d’une mère, les trois publiés aux Impressions nouvelles et aussi à L’Olivier.
C’est donc ce trio familial qui m’a donné envie d’interviewer pour vous son auteur, la romancière et poète belge, Corinne Hoex.
Interview en 13 questions rapides…
1-Avez-vous conçu ce trio familial comme un triptyque dès le départ, ou bien est-ce par hasard que vos trois premiers livres se sont révélés être axés autour d’une famille, que l’on suppose par ailleurs être la vôtre ?
Non, rien n’a été prémédité. Le hasard est sans doute une forme de notre inconscient.
2-Terreau fertile pour l’observatrice méticuleuse que vous avez été, et êtes toujours, pensez-vous que ce berceau familial “particulier” explique que vous soyez devenue écrivain plus tard ?
Non, je ne pense pas qu’écrire soit déterminé par le contexte familial. D’ailleurs, chaque contexte familial est particulier.
3-Qu’est ce qui motive votre travail d’auteur ?
L’écriture.
4-Comment en êtes-vous arrivée à ce style épuré et terriblement efficace que l’on retrouve dans ces trois premiers ouvrages ? Or, rien n’est plus difficile que la simplicité… C’est venu spontanément, ou c’est le fruit de longues rééecritures, voire de nombre d’ouvrages non aboutis auparavant ?
C’est le résultat de nombreuses réécritures et d’une exigence intérieure.
5-Il me semble que vous avez abandonné ce style, et cette thématique, dans votre quatrième ouvrage, Le Ravissement des femmes (Grasset) ?
Il ne me semble pas, dans Le Ravissement des femmes, avoir abandonné ni ma manière de travailler et son exigence, ni la thématique des précédents romans. Dans Le Ravissement des femmes il s’agit encore une fois d’une relation père-fille (avec dans ce cas-ci un père spirituel), une relation où un père prend pouvoir sur sa fille (ici par la manipulation plutôt que par l’autorité).
Une envie de renouveau, un refus de vous enfermer à l’image de Duras par exemple, dans un même style, une même thématique, qui reviendraient d’ouvrage en ouvrage ?
Je ne m’enferme pas, j’explore.
6-Lorsqu’elle n’est pas familiale, ou personnelle, où puisez-vous votre inspiration ? Dans le monde autour de vous ou dans votre imagination ? Comment vous viennent les livres ?
Mon travail est toujours personnel, il répond chaque fois à une nécessité intérieure.
7-Lors d’une rencontre express à une soirée des éditions éléments de langage (minuscule obligatoire), vous m’avez confié que votre cinquième ouvrage, Décollations (L’Age d’homme), était encore un nouveau style, une nouvelle expérience.
Chaque livre est une nouvelle expérience.
Il vient juste de sortir. Que pourriez-vous nous en dire pour nous donner envie de le lire ?
Suivez votre envie.
8-Avez-vous des rituels d’écriture, ou encore des manies ?
Non.
9-Vous êtes par ailleurs poète, ce dont on n’est pas étonné après avoir lu vos trois premiers ouvrages à la poésie simple mais très présente. Si l’on ne devait lire qu’un seul de vos recueils de poésie, lequel faudrait-il impérativement lire, et pourquoi ?
Rien n’est impératif. Chaque livre est une rencontre. Laissons faire le hasard (voir question 1).
10-Avez-vous des modèles littéraires, en poésie ou ailleurs ?
Non.
11-Corinne Hoex, pourquoi écrivez-vous ?
Pour le travail de l’écriture.
12- Vous avez de nouveaux projets déjà en cours d’élaboration ?
Oui.
13-Quel souvenir posthume de votre œuvre aimeriez-vous laisser ?
Mes livres.
Photo à la une de Jean-Luc Lossignol.