Lévy ou Musso : il ne faut pas forcément choisir !
En vérité je vous le dis, oui je vous l’avoue, un soupçon de honte aux joues, lors des congés de Noël j’ai dévoré (et le mot est faible) du Musso et du Lévy, oui, moi, lectrice élitiste entre toutes !
Mais attention, j’ai une (bonne) excuse : à cette époque je venais de passer 6 mois sur une infernale traduction du XVIIe anglais (Sir Merivel, pour ne pas le nommer) et j’étais en sur saturation intellectuelle, donc juste désireuse de me vider l’esprit au plus vite et de la manière la plus basique qu’il soit.
Bien sûr j’aurais pu prendre du milieu de gamme et me distraire avec des livres non littéraires mais corrects.
Eh bien non, et je crois que ma newsletter y est un peu pour quelque chose : j’ai éprouvé le souci de tester (là, le mot est juste) les clés du succès de ces deux messieurs, non pour les copier – je crois bien en être incapable, et puis cela ne m’intéresse pas vraiment non plus, même pas sous pseudonyme – mais simplement par goût de comprendre, et d’analyser.
Le souci est que je me suis fait prendre au jeu… A tel point que j’ai tenté en parallèle durant cette même période de lire Le Jardin des Finzi-Contini de Giorgio Bassani – un grand classique italien, paraît-il – et qu’à chaque fois Lévy et Musso, tandem d’enfer s’il en est, ont gagné haut la main, ce qui n’est pas peu dire dans mon cas.
Je serais bien incapable aujourd’hui (où j’ai viré ma cuti), près de deux mois plus tard, de vous citer des titres ou des synopsis, ils sont de toute façon tous interchangeables et formatés, et à quelques nuances près Lévy est la copie conforme de Musso et inversement, ce qui en dit déjà long sur leur identité (non existante) d’auteurs…
Lévy et Musso : l’orgie !
Dans un premier temps, reconnaissons-le, j’ai avalé un livre par jour (je lis très vite), avec un œil certes critique mais néanmoins attirée que j’étais, et emportée, par l’intrigue, excessivement bien ficelée dans certains cas, il convient de l’admettre. J’en avais commandé 5 ou 6 chez Amazon, crois-je me souvenir, pensant que cela me durerait les dix jours de mes congés, en parallèle avec Le Jardin des Finzi-Contini comme antidote ; le souci fut que ce dernier s’est fait battre à plate couture à chaque fois – je l’ai d’ailleurs totalement remisé à la moitié depuis – et que j’étais désespérée de ne plus avoir rien à lire. Plus rien est vite dit quand l’on connaît l’étendue de ma bibliothèque, disons que je n’avais plus de Lévy/Musso à lire et que j’en éprouvais comme un manque, le mot est lâché – attention, cependant, j’ai par ailleurs quelques petites tendances naturelles à l’addiction, rien de trop grave, mais tout de même… 😉
Donc, c’est telle une droguée en manque que je me suis extirpée de chez moi – or, d’ordinaire, durant mes congés de Noël je ne sors pas pendant dix jours, c’est mon idée à moi d’un bonheur tranquille – pour m’en aller quérir, pleine d’espoir, nombre de nouveaux exemplaires chez le bouquiniste du coin, ce qui, pour quelqu’un comme moi, était déjà insensé !
Fi, il n’en avait qu’un seul et ma déception fut cuisante. Je rentrai chez moi pour m’empresser de le lire, bonheur trop court qui m’obligea à fomenter un nouveau projet plus insensé encore : demain je m’extirperais à nouveau de chez moi pour affronter le froid glacial et me rendre au point Hachette à la Gare du Midi près de chez moi où, là, l’abondance de Lévy et de Musso devrait combler tous mes manques !
Et en effet. Je crois en avoir acheté à nouveau cinq/six et la fin de mes congés, aussi peu enrichissante/stimulante qu’elle fut, put se dérouler en paix…
Lune de miel en danger
Avec ce nouveau lot je commençai néanmoins à renâcler quelque peu – qu’un effet de saturation se soit opéré n’aurait rien pour étonner, au rythme où j’avalais : l’uniformisation du cadre (généralement américain, à quelques exceptions près) commençait à me lasser, la surabondance de citations pédantes chez Musso – pour montrer qu’il lit autre chose que les inanités qu’il écrit ? – a fini par avoir raison de ma patience, quelques invraisemblances de scénario chez lui aussi (j’ai tout de même une formation dans le domaine) ont entamé sa crédibilité et, surtout, les histoires d’amour d’une banalité consternante sous un vernis glamour ont fini par m’achever – soyons clair, c’est du Harlequin révisité, et je déteste Harlequin, on s’en douterait. Le suspense de certains titres continuait néanmoins de me tenir en haleine – soyons clairs là aussi, ça se lit comme un bon thriller – et je commandai un troisième (et dernier, je vous rassure) lot chez Amazon à la rentrée, histoire d’aller jusqu’au bout de mon délire.
Et là, patatras, l’engouement s’est écroulé bel et bien.
Pourquoi ?
La mise à plat
Parce que suis tombée sur deux Lévy qui ne présentaient pas de suspense – il a dû vouloir s’essayer à l’analyse d’états d’âme, le malheureux – et lus « à nu » comme ça, le propos et l’écriture étaient tellement plats que c’était tout bonnement impossible à lire, la médiocrité – pour une lectrice comme moi en tout cas – étant par trop flagrante et inintéressante, voire insupportable. Quant à Musso, son goût forcené du flash back a dû me lasser, ainsi qu’une histoire rocambolesque tellement tirée par les cheveux et avec une fin tellement mièvre que ce n’était plus supportable non plus.
Ils avaient été démasqués pour ce qu’ils étaient profondément : des écrivains – pardon, des auteurs – pour midinettes.
Je reconnais que tant que le suspense était là je me suis laissée séduire par ce dernier – l’art de la narration n’est vraiment pas mon forte et je l’admire d’autant plus quand il est bien maîtrisé – et j’endurais le fait qu’il n’y ait aucun style et, pire encore, aucune qualité d’âme – je n’ai pas été émue une seule fois en 15/20 livres ! Mais une fois le point fort absent, ou mal mené, il ne restait tout bonnement rien à ces deux auteurs – qui ne sont donc en rien des écrivains -, juste une carcasse vide : pas de voix, pas de réflexion (juste de l’action), pas d’univers propre hormis les States qui peuvent difficilement en tenir lieu. Ce qui ne m’a ni affligée ni déçue – j’avais pris leurs livres pour ce qu’ils étaient, juste des livres – cette fois-ci le manque n’était plus au rendez-vous et je m’en suis retournée assez vite à mes lectures ordinaires. Non sans le curieux sentiment d’avoir commis un faux pas quinze jours durant et connu un engouement qui appartiendrait à quelqu’un d’autre… Oui, je sais, je suis bien ingrate, in fine…
Petite recette d’un best-seller annoncé :
Il n’en demeure pas moins que j’ai retiré de ce déluge livresque – et c’était mon but premier, n’est-ce pas – la quintessence de ce qui fait qu’un livre « fonctionne » et permet alors à son auteur de devenir « populaire » : une écriture simple – sujet, verbe, complément – et visuelle – l’on a régulièrement la sensation de lire un scénario, d’où l’absence d’émotions générées, ou de voir un film – du glamour à gogo – ça doit faire rêver la midinette -, de l’exotisme (surtout nord-américain…) à foison – pour y avoir vécu 2 ans, cela ne pouvait fonctionner sur moi qui en connais trop les limites – et surtout, surtout, une histoire bien ficelée, avec des obstacles, du suspense, des rebondissements et tout et tout, sans jamais craindre de mâtiner le tout d’au-delà et de touches de pseudo fantastique.
Conclusion des courses : ça fonctionne, j’en suis la preuve ! Et c’est même un engouement qui dure si vous êtes ma nièce de 14 ans, ou ma cousine de 64 ans ! Cela pourrait en tout cas fameusement vous enrichir si vous parvenez à maîtriser le code d’une écriture à suspense ! (allez, sous pseudonyme on ne vous découvrira jamais).
Alors, curieux d’un mode d’emploi plus détaillé ? Désireux de vous lancer sur leurs traces ? N’hésitez pas à consulter l’interview de Musso sur le site de son éditeur, c’est assez instructif et confirme l’angle visuel/scénaristique. Qu’il y ait du travail est indéniable, et que cela fonctionne sur shampouineuses & co est tout aussi indéniable. Mais cela ne fait hélas pas de ces deux compères des écrivains – il paraît qu’ils déplorent le manque de reconnaissance critique dont ils sont l’objet ! -, je vous renvoie pour mémoire à mon article sur ce brûlant sujet !
Moi, j’attends sinon aujourd’hui le talent authentique qui nous offrira un livre palpitant situé entre Brive la Gaillarde et Auch, mettant en scène des agricultrices et des chauffeurs de poids lourds, émaillant le tout de mots en occitan plutôt qu’en anglais, et à peu près aussi glamour qu’un annuaire téléphonique !
C’est vous ?
Alors n’hésitez pas à me tenir au courant si vous relevez ce vrai défi! 😉
Je pense qu’une grande partie du succès est là en effet : une écriture simple et visuelle, on voit le film ! Sans parler de l’exotisme à 3 balles (les USA) apte à faire rêver la ménagère gavée de séries tv et qui croit encore (pour n’y avoir jamais mis les pieds) que c’est le paradis sur terre. Nul doute qu’ils ont encore de beaux jours devant eux, et tant mieux pour ceux qui les apprécient !!
Haro sur Musso et Levy! Tant pis pour eux! Enfin, d’un point de vue littéraire seulement car eux au moins gagnent bien leur vie.
Analyse très intéressante de cette recette à gogo littéraire. Quand on sait qu’une majorité de gens ont une perception visuelle du monde, rien d’étonnant de comprendre un tel succès!
Je ne sais pas vraiment si c’est un avertissement – après tout, on peut les aimer, et c’est légitime, de 14 à 64 ans en ce qui concerne 2 femmes de ma famille – plutôt un constat. Et, oui, je reviendrai à l’occasion plus en détail sur des ouvrages élevant un peu plus l’âme… Car après réflexion j’ai traduit des best-sellers, avec plaisir, mais qui m’ont moins dérangée, et d’une parce qu’ils étaient moins cruches, et de deux parce qu’il n’y avait pas ce détestable sentiment de « j’applique une recette qui fonctionne » donnant l’impression de déclinaison à l’infini d’un système, certainement pas d’une oeuvre !!
Quand tu dis t’en retourner à tes lectures ordinaires, je ne peux m’empêcher de supputer qu’elles doivent plutôt être extraordinaires, chère Edith ;-).
En dehors de ta bibliothèque idéale, que je trouve très intéressante, j’aimerais beaucoup que tu nous donnes des suggestions de titres à découvrir dont tu recommandes la lecture et pourquoi…
Merci pour l’avertissement sur le tandem 🙂
Heureuse d’avoir pu t’éclairer !! 🙂
J’ai beaucoup ri en te lisant. Je me suis demandé pourquoi une frange d’ados lit ces deux zouaves! Maintenant je sais 🙂
Quant au défi, je passe. Je repasserai.