Titre attendu (et facile, mille excuses) pour un succès, celui du Chardonneret de Donna Tartt qui, de ma part, ne l’était pas à ce point-là !
Je me dois de préciser par ailleurs que ce genre de battage médiatique est rare dans une vie de traducteur, la plupart croupissant dans la traduction sous-payée de romans sentimentaux ou fantasy ; à toute fin utile, ces derniers ont jadis refusé ma collaboration, en dépit d’échantillons soigneusement effectués et révisés….
J’ai raconté à plusieurs reprises sur mon mur FB les diverses péripéties entourant la sortie de ce livre, depuis une semaine seulement, mais comme vous n’êtes pas tous sur FB j’ai pensé qu’une bonne vieille newsletter à ce sujet vous intéresserait peut-être (cela faisait si longtemps !). Mes excuses aux abonnés de la newsletter « auteurs » qui reçoivent une newsletter axée traduction cette fois encore. Patience, j’aurai pour vous bientôt de nouveaux articles ! Je me suis juste dit que et d’une cela vous offrait un signe de vie de ma part, et que de deux, ce livre ayant étant décrété « le » livre de la rentrée littéraire 2014, il pouvait vous intéresser aussi.
Souvenez-vous donc des six mois pendant lesquels je n’ai pu rédiger aucune newsletter pour cause de traduction pressante, celle-ci même – et au contenu solidement verrouillé, impossible donc de vous offrir un journal de bord comme pour Merivel, l’Ami du roi, ce qui est bien dommage car cela aurait été par moments édifiant -, ce à un rythme de 8 à 12 heures par jour, samedi compris, une véritable folie dont je me remets tout juste. Le but de Plon était de suivre de très près la sortie, et le succès, du livre aux Etats-Unis, pour surfer sur la vague, et bien leur en a pris puisque ce titre est aujourd’hui en tête des ventes dans ce pays, et dans le nôtre aussi viens-je d’apprendre, devant le Goncourt, ce 3 jours après sa sortie !
Acte 1
La déferlante a commencé avant même la parution par des articles sur le Net – voir ici et ici, attention, premier lien par moments capricieux -, qui ont même eu le bon goût de parler de ma traduction ! Contre-exemple immédiat, Télérama, et de nombreux autres, n’a pas jugé utile de mentionner mon nom… Le Monde du 10 janvier qui, par le passé, avait loué une de mes traductions, est resté muet sur ce point-là, tout comme Busnel in La Grande Librairie d’ailleurs, ce qui est bien dommage même si c’est parfaitement leur droit. A lire leurs louanges sur la langue belle et fluide de l’auteur on se marre néanmoins (aurait-elle écrit directement en français ??), ou on grince des dents… Heureusement, il y a eu Le Devoir, plus généreux : “ Mesmérisés par l’écriture exceptionnelle de Donna Tartt — magnifiquement rendue ici par la traduction d’Édith Soonckindt —, Théo comme le lecteur se verront lancés à la poursuite de l’illusion et de l’essentiel.”
La déferlante a continué par une charmante invitation des éditions Plon autour de Dona Tartt le lundi 6 janvier à l’Hôtel d’Aubusson, rue Dauphine : réception somptueuse dans le grand salon dudit hôtel avec champagne et petits fours au fois gras (entre autres), mini bagels et autres mini cannelés ou mini tropéziennes, un régal pour les yeux autant que les papilles ; rencontre avec toute l’équipe éditoriale (fort sympathique) ainsi que l’adorable Ivan Nabokov (neveu de Vladimir) et sa délicieuse épouse, et bien sûr avec Donna Tartt herself, délicieuse aussi, tout petit bout de femme énergique avec qui j’ai pu m’entretenir quelque temps.
Je n’y ai pas glané de potins parisiens hormis le décès d’un collègue traducteur de renom, Robert Davreu, mais appris dans le désordre que les droits de traduction des livres étrangers s’achetaient lors d’enchères (eh oui ; qu’il y avait déjà eu pas mal d’articles sur le livre – qui sort simultanément chez France Loisirs, belle vitrine pour moi qui ai 1 % sur les ventes au-delà de 150 000 exemplaires ! – ; qu’il était tiré à 45 000 exemplaires (c’est plutôt beaucoup, Trezza Azzopardi l’avait été chez Plon à… 3000 pour un superbe livre qui n’a eu aucun succès) ; et que Donna passait sa semaine à donner des interviews, aller chez France Inter, Shakespeare & compagnie, et trôner jeudi à La Grande librairie. A toute fin utile et pour ceux qui voudraient se faire offrir du champagne en ma compagnie histoire de fêter ça, les DA ne seront perçus qu’en… avril 2015, et pour en percevoir il faudra que le succès se confirme…
Quoi qu’il en soit la traduction semblait avoir été unanimement appréciée (cela fait toujours plaisir), y compris par l’auteur qui lit le français, et ce fut doublé d’une perspective – à confirmer dans les mois qui viennent – d’un autre best-seller à traduire ! (cela fait plaisir aussi).
Bonheur sinon de se retrouver dans la nuit parisienne si belle et de flâner dans ce quartier latin de ma jeunesse. Bref, j’ai joué à la provinciale ébahie, de retour chez moi vers minuit, fourbue mais ravie !
Acte 2
Puis la déferlante s’est poursuivie avec d’autres articles encore, et des annonces dans divers magazines féminins. J’ai noté plus particulièrement (c’est humain, pardonnez-moi ce narcissisme échevelé) l’article de Focus – supplément culturel du Vif L’Express, magazine belge – qui parlait de mon travail en ces termes : « Les personnages qui le peuplent ont une densité inoubliable, et la langue de Donna Tartt (admirablement traduite par Edith Soonckindt) est fabuleuse et déchirante. » Merci, Ysoline Parisis, pour ces mots qui font toute la différence ! Merci aussi à Fabrice Colin qui a parlé de ma traduction en bien (voir plus haut, le premier « ici ») et dont je recommande le blog, ainsi qu’à Christine Blini qui a eu la gentillesse de faire de même (voir plus haut également, le second « ici ») et dont le blog littéraire est par là.
Dans le podcast culturel (très intéressant !) associé au Focus (Focus Store), j’ai entendu avec plaisir ceci : « Bravo à la traductrice, Edith Soonckindt, c’est incroyable ce qu’elle a fait, et en très peu de temps en plus, parce que Plon lui a mis la pression pour le sortir assez vite après les Etats-Unis. » Bon, soyez rassurés, ils ont parlé de l’auteur aussi (écouter le dernier quart d’heure). 😉
Acte 3
Puis d’autres bonus sont venus clore la semaine : un appel d’une amie de fac perdue de vue et ayant lu Le Monde ce vendredi ; une invitation à faire partie d’un jury de traducteurs pour un (éventuel) concours de traduction à Avignon en juin tous frais payés & rémunération à la clé ; et last but not least, le mel de félicitations (pour le moins inattendu !!!) de la part d’un éditeur avec lequel je pensais être en froid et qui avait également lu Le Monde ce vendredi…
Voilà qui ravirait n’importe quel traducteur normalement relégué à un rôle bien plus anonyme ! Soyons clair, cet engouement ne va pas durer très longtemps, tout au plus quelques semaines, mais c’est d’autant plus agréable à savourer que c’est rare.
Comme il fallait bien qu’il y ait un os dans le caviar, Donna Tartt m’a envoyé une vingtaine de corrections pertinentes (sur 787 pages c’est peu, in fine) à effectuer en vue du second tirage – qui ne saurait tarder, j’imagine -, et j’ai moi-même remarqué trois erreurs – toutes trois sur la première page, quelle horreur ! – sur lesquelles je vais essayer de ne pas me rendre malade…
En fonction des suites, il va sans dire, chers lecteurs et abonnés, que je ne manquerai pas de vous tenir au courant…
Peut-être aurez-vous même le bonheur de goûter aux quelques terribles passages que j’ai eu à traduire : la scène de l’explosion, l’atelier d’ébénisterie, les paris sportifs, les virées drogue et tous les termes liés à l’histoire de l’art qui m’ont occasionné quelques nuits blanches, avec leur “vocabulaire de niche” comme me l’a signalé une journaliste (qui m’a interviewée, ça c’est un scoop !).
Mais, au fait, de quoi parle Le Chardonneret ?
Voici ce qu’en dit l’éditeur sur sa page de présentation :
In fine
« Dix ans après le succès mondial du Petit copain, et vingt après celui du Maître des illusions, Donna Tartt fait son grand retour avec Le Chardonneret, une odyssée hantée dans l’Amérique d’aujourd’hui.
Qui est Theo ? Que lui est-il arrivé à New York pour qu’il soit aujourd’hui, quatorze ans plus tard, cloîtré dans une chambre d’hôtel à Amsterdam comme une bête traquée ? Qu’est devenu le jeune garçon de treize ans qui visitait des musées avec sa mère et menait une vie de collégien ordinaire ? D’ou vient cette toile de maître, Le Chardonneret, qu’il transporte partout avec lui ? À la fois roman d’initiation à la Dickens et thriller éminemment moderne, fouillant les angoisses, les peurs et les vices de l’Amérique contemporaine, Le Chardonneret laisse le lecteur essoufflé, ébloui et encore une fois conquis par le talent hors du commun de Donna Tartt. »
Belle lecture à ceux d’entre vous qui le liront, et n’hésitez pas à me livrer vos impressions, maintenant ou plus tard ! Ici ou sur FB (voir bouton ad hoc plus bas), où j’effectue un compte rendu quotidien de tout ce qui est lié à cette publication, tant que ça dure… Je devrais par ailleurs demander une interview à Donna Tartt dans les jours, ou semaines, qui viennent… Mais il en traîne déjà des tas sur le Net (pour l’essentiel en anglais) si vous êtes impatients !
Pour les plus impatients encore, vous pouvez vous procurer le livre ici sur-le-champ (en français ou en anglais) et avec réduction (ce sans frais de port supplémentaires), y compris en version kindle ; la V.O. est pour l’instant épuisée (!!), mais cela ne saurait durer :
j’ai la même remarque que le lecteur vancampenhout. (bon j’ai deux ans de retard sur le dialogue, mais ainsi est la vie…)
Ce début de lecture du chardonneret m’a décontenancée et j’ai du relire plusieurs fois le passage pour essayer de comprendre. Je suis surprise que si peu de lecteurs en ait fait la remarque et serai curieuse de savoir si Dona Tartt a été interpellée à ce sujet.
autre remarque: il me semble évident que le tableau de ce petit oiseau enchainé est la métaphore de l’absence de la mère et que tout ce qui n’est pas dit sur cette mort, sur cette absence est contenue dans le lien que l’enfant entretient avec le tableau. Dona TArtt est-elle allée dans ce sens dans un quelconque interview?
Cordialement.
Je n’en ai pas la moindre idée… Dans l’ensemble, elle n’a guère essuyé de critiques, un enthousiasme béat semble s’être fait autour de ce livre. Ce que vous dites sur le tableau est pertinent, mais là non plus je n’ai pas souvenir d’interview qui en ait parlé… A vous de les éplucher (si vous avez ce courage !!). Merci de l’avoir lu aussi attentivement en tout cas.
Bonjour.
A la page 12 du Chardonneret on parle de l année 1943 et à la page 17, la mère lit des mails sur son pc. Comment est-ce possible?
Bien à vous
Michèle
J’ai vérifié, et en effet. C’était tel quel dans l’anglais, une allusion à l’hiver froid de 1943, mais je vous accorde que cela fait un peu curieux… S’adresser à l’auteur pour toute réclamation please 😉