Edith1Un texte cousu sur mesure :

 

La percée du ciel est-elle

aléatoire ?

Faut-il marcher sur les eaux pour parvenir de l’autre côté de soi ?

Une main qui rampe serait-elle une fugitive tentant d’échapper à elle-même ?

 

Longtemps j’ai  avancé au bord de la vie.

L’on y rencontre

d’étranges choses

des sensations

futiles.

Que faire, alors, d’aspirations autres ?

Comment poser ses pas à New York entre les gratte-ciel, à Tokyo quand la terre tremble, à Bruxelles où l’on a

entrepris

de compter les gouttes de

pluie ?

 

L’on peut être marcheur du soir, arpenteur de la nuit.

A moins que, pour la mesure des jours, l’on sorte un décimètre ?

Le Temps est une machine à remonter la vie.

Entends-tu les cris des nuages ?

Dans la maison à l’abandon

une femme pleure la nuit.

 

L’immobilisme est pourtant une science exacte.

Si l’on déplie

un journal

le monde s’infiltre entre chaque ligne.

Il ne faut donc pas craindre.

Il ne faut donc rien craindre.

Là est tapi l’ennemi.

 

Tu as  embrassé mes cheveux, effleuré mes

yeux

tes gestes parlent d’une envie

et puis

 

Au royaume des âmes mortes

Tu m’as dit tu t’ennuies

Tu voudrais

à nouveau

marcher toi aussi au bord de la

vie.

 

Une commande « libre »…


Voilà.

Il s’agit d’un texte, de veine poétique (faut-il le préciser ?).

Qui m’a été commandé par un petit éditeur que je connais, qui me connaît, et que j’apprécie

A rédiger à partir d’une bien intéressante photo (de Martine Cornil en l’occurrence, série « Secrets de jardin »), intégrée ci-contre.

Et à paraître dans un ouvrage collectif qui reprendrait toutes les photos (assorties de textes) d’une exposition à venir de cette même photographe.

C’est un principe que j’aime bien, qui m’inspire.

Et qui m’a donc inspiré le texte que vous venez de lire.

Inspiration libre, hein, qui après coup donnait un texte ayant finalement peu à voir avec la photo de départ et qu’importe, à mes yeux c’était justement cela qui était intéressant.

Personnellement j’aimais bien ce texte, il m’était… familier.

Et je l’avais suffisamment travaillé pour savoir ne pas vouloir/pouvoir en faire un autre sur ce même sujet.

 

Un verdict implacable

 

Le verdict de l’éditeur est tombé :

Je souhaiterai (sans S) un texte plus concis, qui « entre » plus, à la fois dans l’image choisie et dans ce qu’il vous évoque.

Lire votre texte me donne l’impression que vous restez à l’extérieur, et de l’image, et de ce que vous tentez de dire de l’image, mais surtout de ce que vous en vivez.

En outre, pour le format prévu, il est trop long. Pour les poèmes, nousdemandons trente lignes, y compris les espaces entre les strophes et la signature.

 

Une réponse efficace :

 

Ma réponse fut brève : Eh bien tant pis. Au plaisir. ES

Parce que pour moi il n’y avait eu qu’un seul texte possible à partir de cette photo-là, et c’était celui que je venais d’écrire.

Je n’allais pas m’embêter à retravailler mon inspiration à partir de de zéro pour un résultat aléatoire et un recueil collectif qui m’avait sollicitée, et non l’inverse. L’opinion de l’éditeur se défend, en tout cas c’est la sienne, mais je me permets de ne pas y adhérer, et de penser qu’il pèche par excès de rigidité.

L’intérêt de ces duos photo/texte (un exercice que j’ai déjà pratiqué ailleurs, et qui a été publié) est justement la complémentarité, le fait que l’un ne redise pas ce qu’a montré l’autre, que les deux visions d’un monde se répondent.

Moi-même j’avais été assez étonnée de ce que cette photo avait produit en moi et ce décalage, justement, m’avait intéressée.

Comme quoi, l’on n’est peut-être pas bon juge de ses propres textes et autres décalages ; ou d’une commande (faussement libre) ; ou d’un processus créatif.

Ou bien l’on est trop libre pour se plier docilement à de quelconques exigences (difficile quand on ne les connaît pas !) ?

Je garde en tout cas de l’expérience un texte qui me plaît, ce qui est donc positif.

Et qui à défaut d’ailleurs sera publié ici.

En toute fantaisie.

Tout ceci pour vous dire, in fine, qu’un texte refusé n’est pas nécessairement mauvais (je me permets de le croire, en tout cas, même si cet avis n’engage que moi).

Souvent, il ne correspond pas à une attente, ou à une ligne éditoriale, ou à un souhait même inconscient.

Après tout, l’éditeur ne savait peut-être pas ce qu’il attendait vraiment ; c’est quand il a lu qu’il a su, comme souvent.

La rencontre des deux est assez rare, finalement (un souhait/un texte).

Ce qui explique qu’il soit aussi difficile d’être édité, même à un aussi petit niveau que celui-ci ?

Pour vous consoler de cette dure réalité et en attendant la semaine prochaine, n’hésitez pas à aller vous promener du côté de Ma bibliothèque idéale, ma cdthèque idéale, ma dvdthèque idéale et même Ma pinacothèque idéale, à présent finalisées ! La page Duras a aussi été un peu augmentée ! 🙂

A venir les semaines suivantes : des interviews (un homme de théâtre, une poétesse, une animatrice d’ateliers), des recensions et des infos sur le numérique (dont Kindle et les e-books). Au plaisir de vous retrouver au fil des semaines ! 🙂

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10 Commentaires

  1. tes perles aux cochons…………les cons,si je vois eric orsenna,je lui parle de toi.tu écris juste un peu trop bien editheke

    1. Ah, je reconnais bien là ma fan de la 1ère heure !! Attention, ils n’ont pas dit que le texte était mauvais, juste que j’étais restée à l’extérieur de la photo (whatever that means…). Parle de moi à EO, yes please, sauf qu’il a sûrement d’autre chats à fouetter (aïe). T’embrasse !

  2. Commande refusée (! on s’en tape) et poème oh combien réussi. J’en suis toute retournée! BravO Edith, j’aime tes plumes.

    😎

    1. J’aime que tu aimes MES plumes, chère Christine, merci pour ton enthousiasme, et ton soutien au fil des ans (ainsi que sur ma page FB !!). A bientôt le plaisir d’en parler de vive voix, de ça et de tout le reste of course… 😉

  3. Ne t’inquiète pas, Edith. Ce poème est excellent. Il me parle aussi.
    Et puis, tu le sais, Gallimard a refusé Marcel Proust et sa ‘Recherche du Temp Perdu’. Alors …
    Il aurait été intéressant d’avoir l’avis de la photographe. Courage, Edith.
    On le connaît ton talent. On sait tes qualités d’écriture. Je t’embrasse. 🙂 ♥

    1. Un grand merci à toi pour ces encouragements que je sais authentiques, mon cher Daniel. Je ne m’inquiète point, simplement je donne cet exemple à mes lecteurs (aspirants auteurs) comme quoi un texte peut être bon (ce me semble aussi) ET refusé, c’est intéressant, je trouve !! En te remerciant aussi pour ton petit mot sur FB. Je ne sais pas faire les coeurs numériques, mais le coeur y est… 😉

  4. Merci de cette appréciation de connaisseuse ! Oui, je trouve dommage aussi que ce texte ait été refusé, moi il me plaisait… Cela étant, leurs arguments se tiennent (par rapport à leurs attentes, qu’ils auraient quand même mieux fait de formuler clairement). Moi cette photo m’inspirait l’idée du bord, de la lisière, et c’est ce que j’ai exploité. Au moins aujourd’hui un nouveau texte existe dans ma collection de textes inédits !! 😉