UnknownSi j’en crois son site internet, après avoir voulu devenir tour à tour hôtesse de l’air, Sœur Sourire et Tintin reporter, la petite Dominique décide à douze ans de devenir journaliste et, à dix-sept,Unknown-2 écrivain…

Elle se lance ensuite dans de passionnantes études de philosophie et de sciences politiques. Journaliste de formation et de métier, elle s’est spécialisée depuis dans l’aménagement du territoire, l’urbanisme et tout ce qui touche au développement durable.

Elle est par ailleurs l’auteur de six recueils de nouvelles ou textes courts d’essence contemporaine (Petites coupures, Nous dormirons ensemble, Y a pas photo, C’est moderne.com, Je ne sais pas dire non, Des provisions de bonheur) que j’ai lus avec grand plaisir, et elle occupe aujourd’hui une place de choix dans le paysage littéraire belge.

Petite approche en 13 questions… :

1-Dominique, tu es l’auteur de six recueils de nouvelles ou textes courts : pourquoi ce genre, et lui uniquement ?

droppedImageLa vie d’une jeune femme – journaliste, chercheuse universitaire et mère de famille – qui était la mienne quand j’ai débuté en écriture, ne laissait guère de place à autre chose. La nouvelle s’est littéralement glissée dans les interstices de mon emploi du temps, s’imposant jusqu’à la nécessité.

2-Selon toi, être nouvelliste requiert des qualités différentes de celles qui font un romancier ? 

Tout à fait. Ecrire une nouvelle, c’est piloter un avion de chasse. Faire des loopings. Franchir le mur du son. Concision, densité, virtuosité. Un roman nécessite une obsession de plusieurs mois, des recherches, une construction a priori. Ecrire un roman, c’est un peu comme piloter un Airbus, ou un C-130.

3-As-tu des modèles en la matière ?

A l’époque, côté nouvelles, j’ai beaucoup lu Annie Saumont chez les Français, et Raymond Carver chez les Anglo-Saxons. Plus tard, j’ai découvert et apprécié Maupassant.LW252

4-Comment te vient l’idée d’un recueil ?

Classiquement, il s’agit d’organiser a posteriori une collection de textes déjà écrits et qui se plaisent. Mais j’aime aussi me donner des contraintes ou me lancer des défis, comme pour C’est moderne.com, Y pas photo ou Petites coupures. En ce moment, je prépare une collection de nouvelles autour de repas d’enfance, de recettes familiales. Comme ma mère, pur produit des sixties, ne jurait que par les surgelés, la purée Mousseline et la mousse au chocolat de chez Danone, ce sera plutôt un manuel d’anti-recettes !

5-Selon toi, qu’est-ce qui constitue un bon recueil de nouvelles ?

J’apprécie particulièrement les fils conducteurs, les renvois d’un texte à l’autre, les correspondances entre les personnages. Mes nouvelles peuvent être lues indépendamment les unes des autres, mais elles sont parsemées de signes de piste que le lecteur fidèle décryptera en toute complicité.

6-Si l’on devait lire un seul recueil de toi, ce serait lequel et pourquoi ? 

362C’est toujours le dernier que je préfère. Ou bien le recueil idéal, avec le meilleur de ce que j’ai fait ? Petites Coupures est très apprécié par les personnes de ma génération, qui y projettent leurs propres souvenirs, tandis que des lecteurs et des lectrices plus jeunes préfèrent Nous dormirons ensemble, ou Je ne sais pas dire non, peut-être parce que ces textes explorent les aléas de la passion amoureuse.

7-Ton dernier ouvrage, Petites coupures, a démarré d’une manière un peu particulière ; peux-tu nous en dire plus ?

Cette collection de récits est née un 1er janvier, d’une étincelle entre Armel Job, Monique Tomson et moi-même. Armel avait publié sur Facebook un petit bijou de texte sur les vœux, les étrennes, la famille. Cela nous a inspirées, Monique et moi. Deux récits sur les étrennes virent le jour. Comme d’autres histoires se bousculaient sous nos plumes, un défi fut lancé : un texte par semaine, le sujet est l’argent, et le contexte les souvenirs personnels. L’affaire était lancée.

Onze semaines durant, j’ai attendu le vendredi matin, jour d’écriture et de publication, avec impatience. Parfois, le jeudi en me couchant, je ne savais pas quel serait le sujet du prochain texte. MaisQuadrature-Couv-Costermans je ne suis jamais tombée à court d’inspiration. Et les lecteurs n’ont jamais fait défaut, au contraire. J’écrivais un feuilleton dont ils attendaient le prochain épisode. À la suite de chaque texte, les commentaires s’allongeaient au gré des souvenirs ravivés chez chacun. Incroyable le nombre de personnes qui ont avalé une pièce (d’un franc, de cinquante centimes ou même un bouton) ! Certains nous ont emboîté le pas, produisant leurs propres histoires, stimulés par notre aventure.

J’ai pris conscience que semaine après semaine, je m’étais donné l’occasion, à travers la relation de ces souvenirs, d’explorer la genèse de mes rapports à l’argent. Ce livre est devenu pour moi beaucoup plus qu’un recueil de souvenirs : c’est une exploration symbolique de mon rapport inconscient, sensible et intime à l’argent à travers un traitement  littéraire.

8-Pourquoi six années de silence avant cet opus ? Panne d’inspiration, ou autres occupations ?

guidecouvJe me demande plutôt comment j’ai fait pour écrire dix livres en cinq ans, dont cinq de fiction ! Après cette cavalcade, j’éprouvais le besoin de respirer, non que l’écriture m’étouffait, mais bien l’attente sociale. « Qu’est-ce que tu écris en ce moment ? » J’appréhendais cette question entre toutes. De l’air !

Pendant ce temps, j’ai plutôt travaillé mon rapport à l’image. La photo, le film, sont pour moi très parallèles à la démarche littéraire. J’ai fréquenté un atelier d’écriture photographique, publié deux livres autour de la photo (la mienne ou celles d’autrui) et participé à six expositions, dont trois en 2012.

9-D’ordinaire, où/comment trouves-tu ton inspiration, justement ?

Dans la vie. Il n’y a qu’à se baisser et à ramasser.

10-As-tu déjà un prochain opus en tête, ne serait-ce que vaguement, ou tu te concentres sur un projet à la fois, et pour l’instant à la promo de Petites Coupures ?

J’avais cinq (!) projets sur le feu et Petites Coupures est le premier de la série à voir le jour. Il m’est impossible de superposer les différents types d’écriture dans le même espace-temps, mais imageselles peuvent se succéder. Il y a un livre sur les prénoms, un roman sur la mémoire familiale, la transmission et l’identité (peut-être doublé d’un recueil de témoignages), un recueil sur les recettes de famille (cf. supra) et enfin, quelques nouvelles s’empilent dans mon tiroir et devraient nourrir un recueil plus classique, à l’instar de  Nous dormirons ensemble.

Ceci dit, pour l’instant, je suis en effet toute à la promo de Petites Coupures. C’est dense et très très riche en émotion. Les rencontres en librairie, en bibliothèque ou en classe, juxtaposent une multitude de petites rencontres intimes et émouvantes. Après cela, il m’est difficile de  rentrer à la maison et de reprendre la plume comme si de rien n’était…

11-Je crois me souvenir que tu as été en résidence d’écriture à Rome à une ou plusieurs reprises (cf Déambulations romaines, collectif, Ed. Devillez, 2012). Qu’est-ce que l’on trouve dans une résidence d’écriture que l’on ne trouve pas chez soi ? L’inspiration ? L’espace ? Le temps ?

Le décalage d’abord. La mise en fragilité. Ma première résidence était dédiée à l’écriture de nouvelles. En résidence ou en voyage, n’être pas chez soi, faire de nouvelles rencontres, pratiquer au quotidien une autre langue me rend infiniment poreuse, voire vulnérable, à tout ce qui peut donner matière à nouvelle.

Unknown-5La disponibilité. Je suis allée à deux reprises à l’Academia belgica de Rome pour travailler sur un roman. Dans ces circonstances, j’aurais pu tout aussi bien m’exiler dans un Formule 1 au bord d’une autoroute : je bosse comme un forçat, douze heures, seize heures par jour. Mais la résidence, c’est aussi le précieux compagnonnage d’autres écrivains, des chercheurs  ou des doctorants. L’écriture peut être terriblement éprouvante. On est heureux de remonter de la mine le soir et de retrouver les encouragements des collègues. Un peu comme nos blocus d’étudiants !

12-Que représente l’écriture dans ta vie ? Une survie ? Une soupape ? Un divertissement, ou quelque chose de plus essentiel ?

Vaste question. Elle me permet de donner du sens au chaos ? Mais c’est encore trop présomptueux de dire les choses comme ça. En fait, elle me traverse. ÇA me traverse.

13-Quels conseils donnerais-tu à de jeunes auteurs qui aimeraient se lancer dans la nouvelle ?

Lisez d’excellents auteurs, et pas seulement des nouvellistes. Inscrivez-vous à un atelier d’écriture.

Soyez modestes et rigoureux. Pensez d’abord au texte et au lecteur. Laissez au lecteur l’occasion de faire son boulot, de s’identifier, de se projeter, de recourir à son imaginaire. Une nouvelle, c’estignazio1 une valse, c’est un tango : pas un one man show.

Lâchez prise. Laissez-vous posséder par le texte (son ambiance, son mystère, sa musique, son rythme), pas l’inverse. La chute doit vous surprendre.

La rigueur et le lâcher prise ne sont pas paradoxaux. Le génie du joueur de foot qui marque un but d’anthologie s’appuie sur des centaines d’heures d’entraînement.

Sur le chemin de croix de la publication, participez aux concours de nouvelles et choisissez les éditeurs auxquels vous aller soumettre votre manuscrit en fonction des affinités que vous nourrissez pour leur catalogue.

Nota : cette dernière photo romaine est de Dominique Costermans.

Retrouvez toutes les activités de Dominique sur sa page Facebook !

 

 

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