Mes villes préférées

Pour votre confort de lecture, vous pouvez ouvrir et fermer les fenêtres en cliquant sur le +


Boulogne s/r mer : ce n'est pas forcément la première ville qui vienne à l'esprit quand l'on pense à une jolie ville, ou encore à une ville intéressante, et pourtant, ce n'est pas une vilaine ville du tout, avec son port encore actif, sa vieille ville en hauteur et ses remparts. Elle est bien plus jolie que Calais, en tout cas !

Si elle a le statut de ville préférée dans mon coeur c'est avant tout parce qu'il s'agit là de ma ville natale et de celle de ma petite enfance, que j'ai adoré y vivre à cette époque-là de ma vie et que je garderai toujours un souvenir ému de nos balades le long du port avec ma mère, de nos visites à la ducasse, de nos balades dominicales à la Pointe aux oies, et des délicieux effluves des croissants au beurre du Cornet d'amour, hélas disparu lors de ma dernière visite en 2011.

Plus tard, c'est ici que j'aurai mon premier amoureux, un ami d'enfance, lors de vacances d'été auprès de ma grand-mère paternelle que j'adorais, rue des Victoires, et que je reviendrai voir régulièrement quand je vivrai en Angleterre et que le ferry desservait encore Boulogne. Maintenant, il n'y a plus qu'un catamaran pour rejoindre Douvres...

Si vous visitez jamais Boulogne - peint d'ailleurs par Manet in Le Port de Boulogne - en arrivant par le nord, empruntez la route qui longe la côte d'Opale, une pure merveille entre prés blonds et mer argentée ! Arrêtez-vous au Cap gris nez ou blanc nez et à la Pointe aux oies, la vue et les plages y sont magnifiques ! Et si l'envie vous prenait de découvrir le Boulogne des années 60 que j'ai connu, un film vous y aidera : Muriel ou le retour, de Resnais, qui n'est pas inintéressant du tout !

M ontpellier : ville de mon adolescence et de mes années d'université, je l'ai détestée tout un temps (mais jamais autant que Nîmes qui l'avait précédée !) puis appris à l'aimer sur le tard, à mon entrée en seconde. Sans doute est-ce lié à mon inscription au Conservatoire régional de musique (flûte, chant et solfège) qui, plusieurs fois par semaine, me voyait m'envoler vers une toute nouvelle liberté, celle d'aller en ville seule et d'y flâner avant les cours !

Grand bonheur de cette époque-là, des errances dans les petites rues ombragées de la vieille ville (dit L'Ecusson aujourd'hui), et de mes cours de musique aussi !

J'en suis pourtant partie sans états d'âme à 17 ans pour aller passer une année à Louisville, Kentucky (Sud des Etats-Unis) et y suis revenue contrainte et forcée pour mes études universitaires ; bonheurs supplémentaires : j'avais à présent un peu d'argent pour m'acheter des robes au Tepee ou manger un bout au restaurant vietnamien dans la même rue (rue en Gondeau) que j'adorais. Tout comme j'adorais mes virées chez Contrechamps (rue des Soeurs noires), librairie aujourd'hui disparue, comme tant d'autres hélas, ou encore chez Pinto où j'achetais alors des mélanges pour faire des pancakes à l'américaine...

J'en suis repartie pour une autre année aux Etats-Unis et n'y ai plus jamais vécu ensuite, si ce n'est une année avant mon départ pour l'Angleterre.

J'y retourne fidèlement une à deux fois par an à présent, pour y voir mes parents, regrette à chaque fois que cela soit aussi peu souvent, et moi qui n'avais de cesse de vouloir en partir quand j'étais jeune, eh bien aujourd'hui je suis tellement sous le charme (c'est si tranquille, une petite ville), que je me demande bien pourquoi j'en suis partie ! Et chez Pinto j'achète les produits locaux à présent, comme leur sublime chocolat noir des 3 Grâces, au pain d'épices. Même en Belgique je n'en ai pas trouvé d'aussi bon !

Pour les cinéphiles : L'Homme qui aimait les femmes a été tourné à Montpellier par Truffaut, soi-disant parce qu'à l'époque l'on y trouvait les plus jolies filles...

N ew York : ça a été le choc de ma vie, à dix-sept ans, et je crois que ça l'est encore ! Comment j'ai eu l'inconscience et la folie d'effectuer un tel voyage à cet âge-là, je ne le sais toujours pas, tout comme je ne sais pas comment mes parents, si stricts à l'époque, m'ont autorisée à partir. Il est vrai que c'était pour la bonne cause : j'allais améliorer mon anglais une année durant. Une seule condition : décrocher le bac bien sûr, ce que j'ai fait.

Je n'ai rien vu de la ville à mon arrivée (à part depuis l'avion) puisque je me suis contentée d'aller d'un bout de JFK à l'autre pour prendre le second avion qui m'emmènerait à Louisville.

Par contre je l'ai découverte, et adorée, au moment de repartir pour la France puisque je m'y suis offert une semaine logée chez une charmante Graziella, cousine de la famille chez qui j'avais vécu durant six mois. Je me souviens de la traversée du Queens en Greyhound, infiniment lugubre pour une petite provinciale comme moi venant d'une aussi belle ville que Montpellier...

Graziella habitait Manhattan, près du Lincoln Center, et ce fut une semaine merveilleuse où tout m'était découverte (j'étais si jeune, alors) : les musées (le Moma, et celui des Indiens d'Amérique), Chinatown et ses sweat shops, Little Italy où il fallait éviter de prononcer le mot mafia, Battery Park, Washington square où j'ai retrouvé  deux amis de ma "soeur" américaine passablement déjantés avec qui j'ai passé une fabuleuse journée, le resto chinois où l'on payait en fonction de la forme de l'assiette, et puis ce concert de Mélanie (chanteuse hippie de l'époque) à Central Park, un soir d'été. Tout était magique, y compris le portier portoricain de l'immeuble où je logeais qui voulait m'épouser, et j'ai dû me faire violence pour quitter ce qui m'avait semblé le paradis sur terre. Mon seul souhait alors : vivre à NYC forever!

Le deuxième séjour, trois ans plus tard en route vers la Californie, a été nettement moins idyllique... Pour mon plus grand malheur j'avais vu Taxi Driver avant de venir et ça m'avait quelque peu marquée. D'autant qu'à l'époque, NYC était bien plus dangereuse qu'aujourd'hui. Et que je n'étais pas d'un courage fulgurant non plus.

Cette fois-ci je logeais chez Harry, a dance therapist rencontré à l'opéra de Varsovie, et dans son appartement du Village j'avais été terrorisée par les trois serrures plus la barre de sécurité  qui défendaient sa porte d'entrée, confirmant à mes yeux le pire de Taxi Driver ! Le reste du séjour a été à l'avenant, j'ai juste gardé le souvenir d'un repas italien le premier soir, peut-être un japonais un autre, et du cirque de Pékin un autre soir encore, où je n'ai pas retrouvé Harry parce que je m'étais enfuie pour le Canada (Toronto, puis le nord sauvage de l'Ontario) en Greyhound...

Bienheureusement c'est le premier séjour que je garde surtout en tête, avec ce souvenir de fascinants mélanges et métissages (qui m'impressionneraient moins aujourd'hui où je vis à Bruxelles), et aussi celui de cette fabuleuse énergie qui vous porte, tellement...

Peut-être faudrait-il que j'y retourne une troisième fois pour faire la juste part des choses, maintenant que j'ai atteint la "maturité" ?

L ondres : c'est une grande ville, très étendue, que j'ai découverte à plusieurs reprises et sous divers angles.

D'abord lors d'un été où j'ai été jeune fille au pair, dans un premier temps à Stanmore (au bout de la Bakerloo line), où j'ai subi l'humiliation d'être renvoyée au bout de trois semaines (si si) pour des raisons que je vous épargne, et ensuite à Edgeware (au bout de la Northern line), où j'ai subi l'humiliation d'être exploitée par une famille Green déterminée à faire usage de tous mes savoirs : garde d'enfant mais aussi cup of tea à apporter à Madame au lit, argenterie et lustres une fois par semaine, cuisine, ménage, repassage, rien ne m'y aura été épargnée et, là, c'est moi qui ai démissionné !

Je garde néanmoins un beau souvenir de mes soirées et de mon samedi libre, que je partageais avec d'autres au pair, de mes visites aux musées, de Hyde Park, du Hard Rock Café, de soirées folk dans une cave de Leicester square et d'un coup de foudre mémorable dans un pub de Richmond...

J'y suis retournée ensuite lors de mes années mancuniennes, d'abord pour y voir des amies, complétant ainsi ma visite des divers quartiers/banlieues de Londres, du plus chic (Richmond) au moins bien famé (Lewisham), et ensuite pour y travailler une année durant, à Golden square, pour un éditeur de dictionnaires. Je travaillais chez moi et "descendais" à Londres une fois par semaine pour compléter ma formation de lexicographe, depuis largement oubliée... Le grand bonheur de cette fonction était les librairies vendant des livres français contemporains que j'étais autorisée à dévaliser aux frais de l'éditeur puisque j'étais payée pour lire (et y trouver des exemples de nouvelles expressions ! Je me souviens qu'à l'époque la nouvelle interprétation du mot galère venait juste de sortir et qu'il fallait absolument en trouver des exemples contemporains !)

Je retiens surtout de ces allers-retours, que j'aimais beaucoup, que JK Rowling a eu l'idée de son Harry Potter dans le train entre Manchester et Londres, et qu'hélas une telle idée ne m'a, moi, jamais effleurée... 😉

V arsovie : si j'étais vraiment honnête je devrais plutôt dire Cracovie-la-magnifique, mais comme il se trouve que je n'ai passé qu'une seule journée à Cracovie et près de trois semaines à Varsovie, c'est de cette dernière que je parlerai. Parce que, de toute façon, la Pologne, et donc cette ville aussi, m'a laissé un souvenir enchanté.

Pour commencer, j'y suis arrivée après un voyage vraiment héroïque qui m'a emmenée en train (je déteste l'avion) depuis Montpellier (avec changement à Bruxelles) jusqu'à Varsovie en trente-six heures chrono ! Et quelle ne fut pas ma surprise à l'arrivée d'être accueillie par toute l'élégance polonaise : un baise-main d'Andrej (chez qui je résidais, avec sa femme Marja, chercheuse scientifique collègue de mon père) et une rose ! Contraste étonnant d'une hippie avec sac à dos reçue avec autant de déférence ! 😉

Je dois reconnaître que le fait de loger chez eux a beaucoup fait dans le souvenir émerveillé que je garde toujours de la Pologne tant d'années après. Je me souviens, en voyant des paysans faner dans un champ à l'extérieur de Varsovie, de m'être dit que je garderai toujours cette image en tête comme celle d'un bonheur parfait et c'est toujours le cas, même si cette vision s'est quelque peu émoussée, depuis le temps...

Je garde sinon de ce pays le souvenir des meilleurs petits déjeuners du monde, celui des concerts Chopin dans un grand parc de la ville, du tramway bringuebalant fleurant bon le parfum (russe) aux oeillets que portaient les hommes, des imposants bâtiments soviétiques retrouvés plus tard à Berlin, de l'immeuble très soviétique aussi où résidaient Marja et Andrej (et dont une chambre était réservée au propriétaire !), de l'extrême gentillesse d'Andrezj (j'aimais Chopin ? En voici un disque ! J'avais aimé ce parfum aux oeillets ? En voici une bouteille !), des efforts de Marja pour me satisfaire en dépit des pénuries, de ce dance therapist rencontré à l'opéra de Varsovie que j'ai accompagné à Ostrow Mazowieska sur les traces de sa famille juive, de cette vitrine contenant en tout et pour tout un crayon et une pomme, du ghetto réduit à néant où ne subsistait plus qu'une plaque commémorative, Les fenêtres d'or de Rudnicki trouvé en français par je ne sais quel miracle, des magasins Cépélia et de leur artisanat magnifique, et enfin, à Gdansk, de la statue de Conrad (Polonais d'origine), mon auteur fétiche de l'époque, regardant la mer en figure de proue.

Je crois que Varsovie a beaucoup changé depuis et je ne suis pas sûre d'avoir envie de ternir ces souvenirs, dont ceux des belles maisons colorées, et reconstruites, de la vieille ville, en les remplaçant par ceux de la "modernité". A suivre !

Ironie du sort, mon voisin ici à Bruxelles est... le Polonais Martin Grey (l'auteur du remarquable Au nom de tous les miens), qui dit avoir acheté dans ma rue plusieurs maisons art déco et aimer habiter Bruxelles parce que ça lui rappelle le Varsovie d'autrefois...

M anchester : aux yeux du tout venant, Manchester véhicule de sombres images, celles de cheminées d'usines, de maisons noires de suie et de brouillard tenace....

Halte aux clichés passéistes vieux de deux siècles, Manchester ce n'est plus ça, plus du tout, et encore cela fait bien des années que je n'y ai plus été et j'ai entendu dire que ça s'était encore amélioré !

J'y ai vécu cinq ans, certaines merveilleuses, d'autre moins (mais ça n'avait aucun rapport avec la ville), et je peux vous dire que j'ai habité une jolie maison de briques rouges avec jardinet coquet, dans une banlieue toute aussi coquette (Didsbury) !

Souvenirs mélangés de mon travail de lectrice à l'université, de mes fonctions complémentaires de traiteur à domicile par la suite (...), des merveilleuses sessions de musique folk dans de nombreux pubs de la ville (The Deuce arms, The Red Lion etc.), des balades dominicales dans la campagne verdoyante, des folles parties étudiantes, des soirées rock ou pop à Band on the Wall, des restos indiens, ou végétariens (à l'époque c'était une nouveauté), des fish and chips (salt and vinegar, love?), des bouteilles de lait matinales devant les banques ou la gare, de la tasse de thé que l'on vous proposait dès que vous entriez dans un magasin, et en règle générale de l'extrême convivialité et chaleur des Mancunians (dont beaucoup sont irlandais, ceci expliquant peut-être cela). Rien à voir avec les années tristounettes que beaucoup de lecteurs ont pu passer à Londres, trop grande, trop froide, ou même dans le Sud huppé. Vive les anciennes villes ouvrières, donc !

J'y serais bien restée (j'ai tout de même joué les prolongations quatre années durant !), mais la météo anglaise a eu raison de moi... Je savais aussi que si je restais en Angleterre je serais confinée dans l'enseignement du français à quelque niveau que ce soit, or j'en avais ma claque et rêvais de faire de la radio, à l'époque. J'ai finalement opté pour un DEA en communication à Nice et hop, voilà comment j'ai quitté la fière Albion après cinq belles années.

Pour découvrir Manchester de manière littéraire, un seul auteur, Elizabeth Gaskell et son North & South (traduit en français) !

S t Ives : est une des plus belles découvertes de mes années anglaises ! J'ai pourtant visité le pays du nord au sud et d'est en ouest et vu de bien belles villes (Brighton, York, Haworth) et de splendides campagnes (The Lake district, North Yorkshire, the Yorkshire dales, le Pays de Galles, la lande des Brontë etc.) mais St Ives m'a vraiment ravie.

Imaginez une petite ville côtière au bout du bout du pays (pas loin de Land's end la bien nommée), nichée au fond de la Cornouaille, avec des petites maisons blanches de poupées comme dans un village grec ! Il ne manquait que le ciel bleu...

J'y ai passé une délicieuse semaine tout à la fin de mes années anglaises, en visite auprès  d'une amie anglaise qui en avait eu marre de la grand ville (Manchester en l'occurrence) et était venue ici ouvrir un restaurant français... Pour un peu j'aurais été tentée de m'installer là tellement la vie y était agréable, mais Nice me tendait déjà les bras.

Ainsi je me prends parfois à penser à une vie parallèle qui se déroulerait là-bas avec moi pendant que moi je serais ailleurs... 😉

N ice : là on arrive non seulement à l'une de mes villes préférées mais aussi à la ville de mes rêves, que je regrette aujourd'hui sérieusement d'avoir quittée. J'ai cordialement détesté la Californie où j'ai vécu une année (vous remarquerez qu'elle n'apparaît nulle part dans cette liste), j'ai adoré la Riviera où j'ai vécu près de trois ans. Comme ailleurs, je devais rester peu et je suis restée plus longtemps...

Jamais de ma vie je n'aurais cru me plaire ici, paradis des seniors et de la superficialité (croyez-moi, pas autant que la Californie !), et pourtant, au bout d'un mois de cours (DEA en communication) je m'y étais fait ma place à coups de soirées sympas dans mon adorable appartement aux volets italiens près de la place Garibaldi.

Que vous dire si ce n'est que j'ai vécu là la parenthèse la plus enchantée de mon existence, entre autres grâce au Minitel (eh oui) qui m'avait aidée, via un réseau local (sur lequel j'ai fait mon mémoire de DEA) à me me constituer un cercle amical en deux temps trois mouvements. Ce fut donc une suite de verres de rosé en terrasse cours Saleya (et ailleurs), de bronzettes sur le balcon, de pensées méditatives face à la mer, sur l'une des fameuses chaises bleues, de pique-niques sur la plage, de sorties en bateau, de virées le long de la grande corniche, de folles nuits à danser le zouc au Black & White, d'escapades à Vintimille ou Valberg dans un châlet de montagne , de bbq dans un cabanon sur une colline et de chants jusqu'au creux de la nuit, bref du sea sex and sun que je n'aurais jamais cru apprécier, et pourtant... C'est aussi là que j'ai commencé à écrire...

Cerise sur le gâteau, j'y ai rencontré la femme de Witold Grombrowicz (l'adorable Rita G), l'accompagnateur de Charles Aznavour (!!), et Christine Angot qui devint une amie, mais là c'est une autre histoire dont il s'agit...

L eiden : comme ce n'est pas de la petite ville où j'ai atterri après Nice que je vais vous parler (elle était strictement sans intérêt), ni d'Amsterdam découverte une première fois à 18 ans (une fameuse aventure !) puis visitée à plusieurs reprises lors de mes années néerlandaises, je préfèrerai vous parler de Leiden, injustement ignorée des touristes français (et des autres), tout comme Veere au nord de la Zélande que je vous recommanderais chaleureusement si elle n'était pas difficile à atteindre pour qui n'a pas de voiture. Ah, et il y aussi les îles de la Frise, Gouda et Edam qui ne font pas que du fromage et sont d'adorables petites villes aussi, mais bon, il faut sérier !

Leiden, donc, à l'image de Bruges qu'elle rappelle un peu (les canaux sans doute) possède tout ce que j'aurais aimé trouver à Amsterdam et n'y ai jamais trouvé : une taille humaine, une ville coquette et propre, une atmosphère plus provinciale et donc plus paisible, en bref un bijou de carte postale qui fait que, avec l'âge, je préfère me retrouver dans une carte postale (à l'image de Bruges ou d'Arles) que dans une mégalopole sale et interlope. Je vieillis mal, sans doute, mais déjà à 18 ans Amsterdam ne m'avait pas emballée, d'autant que cette ville est un cauchemar pour qui n'a pas le sens de l'orientation : rien ne ressemble plus à un canal qu'un autre canal, ça je peux vous l'assurer !

J'ai passé à Leiden une très belle journée d'errance indolente et feutrée au son des sonnettes de bicyclettes, ai visité son musée des antiquités (égyptiennes,un des plus réputés en Europe), mangé sûrement une soupe de pois cassés, et ne me suis pas perdue d'un canal à l'autre (sans doute avais-je dû apprendre depuis à prendre des repères plus originaux !). Tout peut se visiter à pied et je ne peux que chaleureusement vous encourager à vous y rendre par une belle journée de printemps, quand les champs de tulipes alentour sont en fleurs !

Pour une atmosphère proche, voir le film de Peter Webber, La Jeune Fille à la perle, qui se passe à Delft à l'époque de Vermeer, dont les tableaux (vus à La Haye, ville sinon sans intérêt, et à Amsterdam) sont incroyablement petits, au fait.

A rles : là c'est la ville qui défie toutes les villes !

Enfant, quand j'habitais Nïmes, j'avais visité les Alyscamps dont je garde juste un souvenir d'écrasante chaleur.

Bien plus tard j'y ai retrouvé ma grand-mère maternelle qui y faisait un stage de chant ( à 80 ans !).

Et puis il y a eu mes deux résidences de traduction au CITL, un pur bonheur, et émerveillement, face à cette petite ville qui possède tout ce que Bruxelles ne possède pas : langueur, douceur de vivre, indolence, des terrasses ensoleillées, la grande gentillesse de ses habitants, chez certains la faconde provençale, qui me ravit à chaque visite ! J'ai touché du doigt l'idée du bonheur lors de ma première journée en Arles, en écoutant un petit concert place de la République en fin d'après-midi, dans la torpeur des fins de journées estivales... Et je me suis dit que je voulais habiter là...

Ce n'est pas faute d'avoir essayé, sans succès pour diverses raisons. Je me suis donc consolée en me disant qu'en été il y faisait trop chaud et qu'il y avait ces horribles moustiques, sans oublier l'odeur de cellulose lorsque le vent la pousse depuis Tarascon vers Arles...

Il n'empêche.

A chaque nouveau séjour je suis émerveillée, par la beauté, la langueur et la gentillesse ; qui sont si bien résumées dans ce poème de Paul-Jean Toulet qui m'émeut à chaque lecture :

« Dans Arles, où sont les Alyscamps
Quand l'ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd,
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas si c'est d'amour,
Au bord des tombes. » 

M arseille : cette ville est mon autre coup de coeur de ces dernières années.

J'y avais bien été il y a des années de cela, quand j'étais monitrice de français, afin d'y accompagner à son ambassade une Canadienne qui avait perdu son passeport, mais cela ne m'avait pas laissé de souvenir notable.

Des années plus tard, peut-être après un séjour en Arles, j'ai été totalement séduite - et, non, je ne regarde pas Plus belle la vie, qui n'a strictement rien de marseillais hormis le décor (reproduit) ! Par contre j'ai vu la plupart des films de Guédiguian qui, depuis les grisailles nordiques, n'ont sûrement pas été sans influence sur cette espèce de sort marseillais qui m'a été jeté...

Une fois sur place, à plusieurs reprises et en diverses saisons, j'ai à chaque fois adoré le quartier du Panier, celui du Cours Julien, la place du chien Saucisse... (celui de l'auteur de polars Serge Scotto), la Canebière, le Vieux port, le point de vue depuis Notre Dame de la Garde et le petit train qui y emmène les paresseux, la plage de la Pointe rouge et l'Estaque de Guédiguan, et surtout les Marseillais, souvent imités et jamais égalés, qu'il s'agisse des garçons de café ou des pêcheurs du Vieux Port à la faconde encore et toujours provençale...

Là aussi j'ai tenté de déménager, rêvé de pouvoir manger les pieds dans l'eau en octobre, mais peine perdue, ça n'a pas fonctionné, Bruxelles refuse de desserrer son étreinte !

Alors j'y retourne encore de temps à autre tout comme je retourne à Nice, histoire de rêver à une vie qui se déroulerait à la fois avec moi et sans moi...

A suivre !

P rague : certainement une des plus belles villes qu'il m'ait été donné de visiter !

J'y suis allée en 2001, pour y rendre visite à mon amie Marie, rencontré deux années de suite au CITL d'Arles.

Et, contrainte une fois de plus par de basses considérations matérielles, j'y suis allée en bus, moi qui m'étais juré, après ma rocambolesque ttraversée des Etats-Unis, que plus jamais on ne me verrait dans un bus plus de quelques heures !

Eh bien l'on m'y a vue, pendant quinze heures très exactement, arrivant à Prague bien plus fatiguée qu'à mon départ Bruxelles en début de soirée...

Tout mon séjour là-bas n'a été que luxe, calme et volupté, j'entends par là que couleurs et douceur étaient au rendez-vous, autant que beauté et amitié.

J'ai eu le souffle coupé par la beauté de cette ville, surnommée la ville aux mille (aux cent ?) clochers, je crois, et j'ai adoré me perdre dans ses petites rues seule une après-midi, découvrir le peu qu'il reste de son quartier juif et sa synagogue  flanquée d'un cimetière, boire un verre dans le sombre café Kafka, aller écouter du jazz tchèque dans une salle triste datant de l'époque soviétique, faire mes courses dans un Delhaize tchèque, craquer pour des jouets en bois, découvrir la crème allongée au raifort, pénétrer dans les cours de vieilles maisons colorées, pousser la porte des églises, écouter de la musique sur le pont Charles, monter dans un vieux tram bringuebalant, tenter trois mots de tchèque, manger des crêpes au pommes de terre, papoter avec Marie, prendre un café dans un salon de thé désuet...

Le plus étonnant fut pour moi un marché où les maraîchers étaient... vietnamiens, un vestige de l'ère socialiste, m'a expliqué Marie dont l'appartement datait aussi de cette époque-là...

Prochaine étape, en train, sera Berlin, Vienne, Prague, Budapest ! Il n'y a plus qu'à économiser...

R ome : j'ai découvert Rome après Prague, qui lui avait volé la vedette et déjà acquis dans mon coeur le statut de plus belle ville du monde...

J'ai dû faire voyage à Rome le plus compliqué du monde : Bruxelles-Marseille en train direct, 5 heures et quelque, soirée et nuit passées là, puis départ à l'aube pour Vintimille, avec changement pour Piombino afin d'y voir d'abord mon amie Giuliana et sa famille dans leur grande maison de la campagne toscane. Puis départ de Piombino après quelques jours pour un mois à passer à Rome en résidence d'écriture à l'Academia Belgica ! Retour encore plus rocambolesque Rome-Gênes-Vintimille, et là bus jusqu'à Nice parce que le tunnel ferroviaire près de Monaco s'était écroulé ! Et je n'étais pas encore arrivée à Bruxelles...

 En dépit de cette période très difficile de ma vie au moment de ce voyage, et de la canicule qui s'est abattue sur la ville cet été-là, je garde le souvenir de m'être glissée dans Rome comme dans une paire de vieilles pantoufles, sans le moindre sentiment d'étrangeté (alors que mon italien laisse beaucoup à désirer), et surtout de m'être sentie là au coeur de l'Histoire, ce notre culture, et donc du monde. Peut-être était-ce ce sentiment qui était si rassurant ?

Souvenirs de nonnes et de curés à foison, de vieux trams, de toutes sortes de plats de pâtes, d'un parc Borghese magnifique, au coeur duquel se trouvait l'Academia, de beaux gosses mais de femmes encore plus belles, dont certaines sorties tout droit d'un tableau de la Renaissance, de verres en terrasse sous la chaleur, d'eau volée aux fontaines, du Panthéon, du Musée des beaux arts, du Vatican si étonnant, de la Piazza di popolo avec un Italien photographiant des voitures, d'une gelatteria vide, toute vide, dans laquelle se déversait de la musiques des années 60, d'une autre pleine de délicieuses saveurs, des gelatti al limone, seules aptes à juguler la canicule, d'un oranger et d'un citronnier devant la fenêtre de ma chambre, d'un professeur de kung fu tachant de me charmer sur un banc, du cimetière acatolico et la tombe de Keats, tellement émouvante (Here lieth a young man whose name was writt upon water...) avec ses lettres d'admiratrices américaines (je les aie lues, bien sûr), la terrasse et la tonnelle de l'Academia, des rideaux que soulevait une douce bise dans un couloir à l'étage, un concert de koto japonais, une conférence sur les fantômes, la Villa Médicis vue de loin, ah, et, le vendeur de roses...

Pour cause de canicule (40 degrés dès 9 h du matin, 39 le soir...) et si j'ai réussi à me traîner jusqu'à Ostia Antica, je n'ai jamais eu le courage d'attaquer forum, arènes, c'était juste au-delà de mes forces.

Ce qui m'offre l'excellente excuse de devoir y retourner, afin de me retrouver à nouveau au centre du monde, de l'Histoire, et de notre culture... Comme si je ne les avais jamais quittés.

B erlin : la classer parmi mes villes préférées est un brin exagéré puisqu'il doit s'agir là de la ville que j'estime être la plus laide au monde avec, entre autres, ses énormes bâtiments datant de l'ère soviétique qui avaient tout de gratte-ciels massifs n'ayant juste jamais pris leur envol vers le ciel ! Berlin est la seule ville qui m'ait consolée de Bruxelles et que je n'ai pas pleurée à mon retour, comme j'ai pu pleurer Arles ou Rome.

Il n'empêche, je suis néanmoins capable de reconnaître que c'est une ville émouvante et, tout comme Rome, un berceau de l'Histoire que l'on se doit de saluer.

Logée dans Kreutzberg, près du canal, après un voyage en train de sept heures, j'ai eu plaisir à y découvrir l'avenue Unter den Linden, la porte de Brandebourg, l'incroyable  musée juif, Potzdam platz, un bar branché dont j'ai oublié le nom, Max und Moritz, un restaurant typish où goûter de bons plats allemands, un autre indonésien, une banlieue pseudo soviétique qui m'a rappelé Varsovie, un squat digne de ceux vus à Amsterdam "autrefois", quelques églises, mais la véritable émotion était ailleurs, que ce soit devant le Reichtag ou le Mur (avec son trou au milieu qui m'a fascinée, autant que son peu d'épaisseur et de hauteur qui, pourtant, ont scindé l'Europe en deux au fil des décennies), ou encore lors de cette visite guidée où, de nuit, j'ai pu voir la Opern platz, celle où les nazis avaient commis leur célèbre autodafé...

J'ai aussi beaucoup aimé cette balade nocturne en voiture avec l'amie d'une amie et qui m'a permis d'apercevoir des fragments du Mur encore sauvegardés à la périphérie de la ville, ainsi que le Palais des larmes, surnom donné à la gare de Friedrichstrasse devenue en 1961 gare terminus et poste-frontière entre l’Est et l’Ouest, où des familles déchirées  devaient se quitter sous les yeux de fonctionnaires impitoyables.

Rarement me suis-je sentie, ici à Berlin, autant au coeur de l'Histoire, celle du nazisme comme celle de la Guerre froide, deux périodes qui m'intéressent passablement. Et cela m'a émue, vraiment.

Du coup, dès mon retour, fascinée par murs et enceintes, j'ai écrit une histoire de mon cru, intitulée Les Sept Clés du Royaume des pluies, et qui réinvente un mur protecteur autour de Bruxelles, histoire sur laquelle je suis toujours occupée aujourd'hui...

H eidelberg : c'est la ville de mon adolescence, une de mes premières villes étrangères, celle qui m'a fait aimer la culture allemande et m'avait même donné, à l'époque, l'envie de l'enseigner ! J'y suis allée trois années de suite, chez ma correspondante, Christiane Neiss, que je donnerais cher pour retrouver aujourd'hui, puis après mon retour des Etats-Unis je me suis résolument tournée vers l'anglais et les pays anglo-saxons et ce fut la fin de ma période allemande.

C'est en discutant avec mon frère - qui y avait été dans sa jeunesse aussi, Heidelberg étant jumelée avec Montpellier - que l'idée d'un voyage du souvenir des années plus tard a germé. Mon frère a annulé et j'ai donc fait le voyage en solo, ce qui n'était pas plus mal, me retrouvant seule face à mes souvenirs d'alors et ayant le plaisir de constater, au moment du bilan face au Neckar, que ma vie n'avait finalement pas si mal tourné...

J'ai découvert la vieille ville comme si je ne l'avais jamais vue, avec ses rues commerçantes et celles qui l'étaient moins, ses maisons coquettes et colorées, ses places, ses églises, ses salons de thé où m'attirait irrésistiblement l'odeur de l'apfel strüdel dont je raffole, ai arpenté les deux rives du Neckar, traversé le vieux pont, flâné à la terrasse des cafés sur quelque ancienne place (début novembre !), visité un musée d'art naïf, grimpé la colline en téléphérique, marché, marché (mais le Philosophenweg de ma jeunesse était devenu trop pentu pour moi !), bref ce fut un pur délice dans la douceur du temps et celle des gens. Avec juste le regret de tout juste savoir encore parler allemand... 🙁

Deux images suplémentaires me restent en tête : la vallée du Rhin longée en train, avec ses vignobles à flanc de colline et l'un ou l'autre château au lointain ; et ce drôle de bonhomme à la gare, se promenant avec deux corbeaux sur les épaules et un sur sa main...